Cy Twombly peintre-écrivain

3 juin 2015
Lion d’Or de la Biennale de Venise de 2001, Cy Twombly né Edwin Parker est rebaptisé "Cy" par son père, professeur d’athlétisme, en référence à Cyclone Young, lanceur vedette de baseball de la fin du XIXème siècle. S’il s’inscrit à certains égards dans la lignée de l’expressionnisme abstrait, son héritage demeure assez singulier et inclassable.

Untitled (bacchus 1st Version IV) © Cy Twombly Foundation

Formé dès l’âge de quatorze ans à la pratique du dessin par le peintre espagnol Pierre Dura, Cy Twombly partage avec son père spirituel Nicolas Poussin, un dévouement absolu pour l’antiquité classique. Marqué dès ses jeunes années par l’avant-garde européenne à l’instar du dadaïsme de Kurt Schwitters ou de l’expressionnisme de Chaim Soutine, il porte également une attention sans limites à ses aînés et vedettes de l’époque : Jackson Pollock et Mark Rothko.

 

Son amitié particulière avec Robert Rauschenberg sera par ailleurs déterminante dans sa formation artistique. Sur ses conseils avisés, il fréquente durant l’été 1951 le célèbre Black Mountain College, une université expérimentale où il fait la connaissance d'artistes résidants et enseignants du nom de Franz Kline, John Cage et Merce Cunningham. Les années suivantes, ils  voyagent ensemble entre l’Espagne, le Maroc et l'Italie. A Rome au musée ethnographique de Pigorini, Cy  tombe en admiration devant des objets anciens venus d’Afrique…

 

De cette nébuleuse d’influences, le jeune artiste va alors inventer un nouveau langage à la force du geste : des sortes de glyphes qui rappellent les premières tentatives d'expressions calligraphiques d'un jeune enfant. Se privant de l'usage de ses yeux, il mélange ainsi peinture et dessin dans d'étranges gribouillis. En griffonnant de manière automatique chiffres, lettres et formes hasardeuses, Cy Twombly libère les mots et l'écriture de tout principe rationnel et révèle le caractère ineffable du langage.

 

Ce travail régressif cher aux Surréalistes, Twombly raconte en avoir fait les premières expériences dans le noir lors de son service militaire. Comme Picasso qui « a mis toute sa vie à savoir dessiner comme un enfant », il déconstruit l’acte de dessiner au delà de la technique et de ses principes fondamentaux.  

 

Empreint d'un primitivisme à la Dubuffet, la nonchalance romantique de ses gribouillages et la "résonance magique des noms" ¹ qu'il emploie, ont un doux parfum d’érotisme. A la fois peintre et écrivain, Cy Twombly se mue en un cryptographe  dont on peine à déchiffrer les dires et « provoque en nous un travail de langage » (Barthes). La poésie visuelle de ses toiles retranscrit dans son expression la plus sincère la violence du désir, les pulsions, la folie, enfouies dans l'inconscient qui nous ramène, par son approche directe, à l'infinitude de notre humanité.

 

Complexe, l'œuvre de Twombly ne fera pas toujours l'unanimité et si la reconnaissance se fait tardive, elle ouvre magistralement une voie nouvelle entre l’art conceptuel et le néo-expressionnisme.

 

 

Pauline Weber

1 Kirk Varnedoe : Extrait du catalogue de l’Exposition « Inscriptions in Arcadia », Rétrospective sur Cy Twombly qui s’est tenue au MOMA à, New York en 1994,

 


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