L’art gothique

5 mars 2008




Cathédrale de Reims, arcs-boutants du chevet, Pierre Amédée et Eugène Napoléon Varin (1854-1855), musée d’Orsay © Photo RMN - Droits réservés

 

L’art gothique se substitue peu à peu à l’art roman au cours de la seconde moitié du XIIe siècle. Né en Île-de-France, il rayonne ensuite dans toute l’Europe jusqu’au début du XVe siècle.



Cet art est avant tout religieux, mais il s’exprime également dans des édifices civils ou militaires, qui bénéficient des innovations techniques accompagnant l’avènement du style gothique. L’utilisation systématique de la voûte sur croisée d’ogives et d’arcs-boutants permet d’élever des bâtiments de grande hauteur, dont les surfaces murales sont désormais percées d’amples portes, galeries et fenêtres en arcs brisés. La lumière entre en majesté dans ces édifices, offrant ainsi des « pages » de plus en plus importantes à l’art du vitrail et de la sculpture.



La première des grandes cathédrales gothiques est construite à Sens. La basilique de Saint-Denis, élevée sous le règne des Carolingiens et rénovée entre le XIIe et le XIVe siècle, constitue ensuite l’un des grands chefs-d’œuvre gothiques. Le style de son décor annonce certaines des réalisations sculptées des grandes cathédrales de Reims, Chartres et des « bijoux » d’un gothique flamboyant à venir comme à la Sainte-Chapelle de Paris ou à la cathédrale de Strasbourg.



La voûte d’ogives

L’esthétique gothique est née de l’invention de la voûte d’ogives. L’ogive gothique se définit par l’emploi systématique d’arcs-doubleaux et de formerets, associés aux ogives. Elle se perfectionne ensuite par la brisure des arcs. La forme de mandorle de l’arc brisé et les faisceaux de colonnes de plus en plus fines, qui montent vers la clé de voûte, caractérisent les édifices gothiques. Une impression d’élan vertical se dégage de ces réalisations virtuoses qui veulent servir avant tout le pouvoir de Dieu et la grandeur de son Église.



Le premier art gothique

Combinant voûtes d’ogives et tradition romane, les cathédrales d’Angers (1149-1159) et de Poitiers (1162) figurent parmi les témoignages de l’art gothique primitif, plus austère et moins lumineux.



Née en France, l’architecture gothique se diffuse ensuite en Grande-Bretagne, notamment dans la cathédrale de Canterbury, achevée en 1185. Elle rayonne également dans le Saint Empire romain germanique, où apparaît le style romano-gothique. Il est sensible notamment dans la cathédrale de Limbourg-sur-Lahn qui conjugue l’arc en plein cintre roman et la voûte d’ogives gothique.

Finalement, c’est en France qu’apparaît l’innovation fondamentale de l’architecture gothique : dans la nef de Notre Dame de Paris construite entre 1182 et 1225, les voûtes sont, pour la première fois, soutenues par une série d’arcs-boutants.



L’apogée gothique

L’art gothique atteint son apogée pendant le règne de Saint-Louis (1226-1270). La reconstruction de la cathédrale de Chartres démontre avec force l’équilibre du gothique. Les arcs-boutants et les voûtes croisant les ogives sur un plan rectangulaire (barlong) constituent les canons de l’architecture gothique classique.

Parallèlement, grâce à l’ouverture des murs permise par les innovations architecturales, la fresque s’efface peu à peu au profit du vitrail. Celui-ci s’épanouit en de véritables verrières, ou rosaces, dont les plus célèbres sont celles de la cathédrale de Chartres. Le gothique classique marque également la sculpture monumentale. Les deux célèbres groupes de la cathédrale de Reims, l’Annonciation et la Visitation (ébrasement sud du portail central), constituent des modèles qui imprègnent toute la statuaire de l’époque.



Le gothique rayonnant et flamboyant

Au fil du temps, les lignes gothiques s’affinent, les édifices sont de plus en plus hauts, les lacis de pierre toujours plus complexes. La conquête vertigineuse de l’espace sacré trouve un point d’arrêt après l’effondrement de la voûte de la cathédrale de Beauvais, qui devait culminer à plus de 150 mètres.

À Paris, l’exemple le plus somptueux de cette exacerbation du style gothique est la Sainte-Chapelle.



La diffusion de l’art gothique

À la fin du XIIIe siècle, le style gothique est adopté dans toute l’Europe. Il s’épanouit notamment à Saint-Urbain de Troyes et dans la nef de Saint-Denis. Le style monumental, apparu dans la sculpture sous le règne de Saint Louis, avec la Sainte-Chapelle, restera en vigueur jusqu’au début du XIVe siècle. Il se retrouve dans les sculptures du collège apostolique de Saint-Jacques-de-l’Hôpital (1319-1327, Paris, musée de Cluny).



En Italie, l’art gothique atteint son apogée au début du XIVe siècle. Mais déjà en peinture et dans la sculpture florentine du XIVe se manifeste, avec Simone Martini, et surtout Giotto ou les frères Pisano, une volonté d’explorer différemment l’espace de la représentation. Les conventions héritées des icônes byzantines tombent. À la lumière des antiques, l’espace et les figures se creusent en trois dimensions, prennent chair. Ces recherches plastiques annoncent les prémices de la Renaissance et les conquêtes de Masaccio ou de Piero della Francesca.



L’art gothique international

Entre le XIVe et le XVe siècle, alors même que certains artistes font déjà entrer l’Europe dans la Renaissance, le prestige de Paris et la mobilité des artistes favorisent une large diffusion de l’art gothique et impose encore ses canons. Dans le domaine de l’architecture, certains édifices religieux, comme la cathédrale de Milan, sont le fruit d’une collaboration internationale.

L’épanouissement des arts précieux atteint alors une ampleur sans précédent. Si bien que, dans l’imaginaire collectif, certaines des œuvres de cette époque ont fini par incarner, à elles-seules, l’idée que l’on se fait du Moyen Âge : le livre enluminé Les Très Riches Heures du duc de Berry (1404-1410) des frères de Limbourg, le sceptre de Charles V (musée du Louvre) ou encore la tapisserie La Dame à la Licorne (musée de Cluny). Vers 1300, les orfèvres parisiens remettent au goût du jour l’émail cloisonné sur or, avec l’invention des émaux de plique (terme qui peut signifier « applique » ou « compliqué »). Les plaquettes du musée de Cluny en sont un remarquable témoignage. Elles sont peut-être dues au plus célèbre créateur parisien d’émaux de plique, Guillaume Julien, orfèvre du roi Philippe le Bel.

Malgré cela, la redécouverte de l’Antiquité, associée à de multiples autres facteurs, plonge très vite le Moyen Âge dans d’obscurs retranchements. Synonyme des temps barbares, frappé d’obsolescence par les nouveaux traités d’esthétique et le goût italien, le gothique disparaît peu à peu et laisse place à la Renaissance.








 
 
 

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