L'art naïf haïtien

16 décembre 2014
A de nombreux égards, l'art naïf haïtien prête à discussion. Seule expression artistique véritablement nationale pour certains, il ne serait pour d'autres qu'une tendance ayant profité de l'engouement d'une époque pour ses formes...

S'il n'est peut-être pas le plus ancien ni le plus authentique des vocabulaires plastiques nés sur l'île, il n'en demeure pas moins le plus connu à l'échelle internationale.

Un succès à l'origine duquel est le Centre d'art haïtien fondé en 1944. Persuadés de la supériorité de la peinture naïve, ses dirigeants encouragent toute une génération d'artistes à sa pratique, autodidactes comme professionnels, et participent à son exposition dès 1945 à la Havane et l'année suivante à Paris.


Hector Hyppolite, Le Baiser, 1946-1948, © Ralph Torres

Parmi les plus célèbres représentants de ce courant, Hector Hyppolite, un prêtre vaudou qui tient son inspiration des esprits peuplant son temple. Des loas qui figurent dans des compositions d'une extrême richesse imaginative, au ton très libre, émancipées de l'iconographie jusqu'alors fournie par la peinture populaire traditionnelle. Ses toiles sont telles des fenêtres ouvertes sur un monde invisible dont l'équilibre et la lisibilité s'attachent les vertus d'une grande maitrise chromatique. L'importance et l'influence du catalogue d'images et de traditions orales vaudou transmis par Hyppolite ne saurait toutefois réduire l'art naïf à la stricte expression du religieux.



Il est à considérer comme une forme artistique qui aborde tous les aspects de la vie, politiques, sociaux et économiques. Des préoccupations au coeur des villes haïtiennes transcendées par l'ingénuité des pinceaux de Préfète Duffaut, en des fantasmes urbains flottants entre ciel et mer, où la couleur se veut architecture.

Mais plus utopique qu'il n'est esthétisant, l'art naïf cherche aussi à inscrire l'humain au centre de sa création. L'humain et sa singularité, à travers une abondante production d'autoportraits dont l'honnêteté créatrice le préserve de toute intention narcissique. Le peintre naïf entend ainsi exposer son image mais aussi son intériorité. Appuyées par une économie des moyens picturaux qui esquisse des motifs simplifiés, les toiles de Robert Saint-Brice parviennent à transcrire l'essence même des sujets traités, amenant ainsi l'artiste sur les voies du sacré.

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