Le minimalisme par le spectre de Carl Andre et de Dan Flavin

11 juin 2015
Fondé sur le principe du « less is more », le minimalisme s’est formé autour d’une réflexion nouvelle sur les objets et leur positionnement dans l’espace...

Né aux États-Unis dans un contexte saturé par l’expressionnisme abstrait, il est la résultante d’initiatives individuelles incarnées par des artistes tels que Carl Andre, Dan Flavin ou Donald Judd. Caractérisés par un désir fort de se détacher de la génération précédente, ces derniers ont en effet amorcé des expérimentations artistiques différentes, chamboulant à la fois le statut de l’œuvre et de l’artiste mais aussi du spectateur.

 

Le principe ? Un style épuré, quelques couleurs, des formes simples et une économie de moyens incarnée par l’utilisation, à des fins esthétiques, de matériaux industriels et du travail en série.

 


Vue de l’exposition Icônes Américaines (4) scénographie Bill Katz et Nicolas Adam © Rmn-Grand Palais / photo François Tomasi

À cet effet, Carl Andre sculpte l’espace in situ, conditionnant la nature de ses œuvres autour de l’environnement. « Les origines de mon travail se situent dans le savoir-faire de la classe ouvrière : pose de briques, carrelage et maçonnerie. Ce n’est pas l’aspect visuel des briques que j’aime dans ma sculpture, c’est le fait de pouvoir les placer, de créer en tant qu’individu, une œuvre de taille relativement conséquente en manipulant moi-même les briques une par une » reconnaît-il. Critiqué pour la nature même de son travail qui semble a priori relever des compétences d’un simple maçon, Carl André revendique l’acte de poser, d’empiler, d’appréhender l’espace comme le ciment constitutif de son travail. Poète dans l’âme et grand admirateur de Brancusi, il partage avec son confrère Dan Flavin la passion des mots et les principes du maître de l’abstraction sculpturale.

 

Artiste autodidacte, Dan Flavin se fait l’héritier du ready-made duchampien en utilisant des néons vendus dans le commerce pour produire ses œuvres. Ouvrant un chapitre décisif dans l’histoire de l’art, il confère en effet à ses tubes lumineux le statut d’un medium à haut potentiel artistique. Sa première œuvre du genre, baptisée Diagonal of May 25, en référence à la date de sa création, est un simple néon posé contre un mur. Débordant de simplicité, le geste n’en demeure pas moins puissant par l’impact qu’il produit sur la surface d’exposition : « Le tube qui rayonne et l’ombre portée par son support semblaient se tenir directement, dynamiquement, dramatiquement sur le mur de mon atelier, telle une image gazeuse, flottante et insistante, qui par sa brillance, paraissait transmuer sa présence physique en une invisibilité approximative. »

 


Dan Flavin «monument» for V.Tatlin 1969 Lampe fluorescente blanc froid hauteur: 243,8 cm The Doris and Donald Fisher Collection at the San Francisco Museum of Modern Art © Stephen Flavin / ADAGP, Paris, 2015 © SFMOMA





Travaillant la lumière à la lueur de la palette imposée par les fabricants de néons, Dan Flavin se confronte alors aux couleurs primaires, aux nuances de blanc, au vert, à l’ultraviolet tout en assumant pleinement la dimension nécessairement éphémère de son œuvre. Jusqu’au-boutiste, il rend également un hommage quasi obsessionnel à Tatlin, père du constructivisme russe, pour lequel il expérimentera trente-neuf versions de son Monument à la IIIème International en près de vingt-cinq ans… Le gage d’un amour sans faille ! 





Pauline Weber

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