L'Ecole de Fontainebleau

8 juin 2010


Gabrielle d’Estrées et une de ses sœurs, Ecole française, musée du Louvre © Photo RMN - René-Gabriel Ojéda

Fontainebleau : le centre d’une école italienne en France

Une révolution artistique s’accomplit en France au cours de la première moitié du XVIème siècle.

L’Europe s’ouvre. A la faveur des guerres d’Italie (1494-1547), l’aristocratie française fait connaissance avec la Renaissance italienne. Au même moment, la découverte de l’Amérique bouleverse la conscience occidentale. Les Anglais et Néerlandais maîtrisent le commerce avec les Indes. L’Europe des arts se construit par-delà des frontières. Des artistes italiens, dont Léonard de Vinci, sont appelés à la cour et au service d’une société princière raffinée : peinture murale, sculpture, vitrail, tapisserie, orfèvrerie, décor monumental, émaux, projets de décors éphémères pour des fêtes.

L’appellation « École de Fontainebleau » désigne un courant artistique né sous l’impulsion des artistes italiens convoqués par François Ier pour décorer à partir de 1530 sa résidence de Fontainebleau. L’essor de l’Ecole se poursuivra jusqu’au règne d’Henri IV.

Cette expression n’apparaît toutefois qu’au XIXe siècle. Le terme désigne une production artistique qui a pour cadre le château de Fontainebleau et s’étend à un style qui se diffusera bientôt en Europe.

Le château d’Ecouen, qui abrite aujourd’hui le musée de la Renaissance, témoigne de l’influence de l’Ecole de Fontainebleau. Elle constitue, en France, la manifestation essentielle de la « seconde » Renaissance, après 1527 (date du sac de Rome par les troupes de Charles Quint).

La première école de Fontainebleau

La première expression de ce mouvement s’épanouit de 1530 à 1570, couvrant quatre règnes successifs : François Ier (1515-1547), Henri II (1547-1559), François II (1559-1560) et Charles IX (1560-1574).

Le style se caractérise par l’italianisme, le goût pour une ornementation abondante et raffinée, des références symboliques et des motifs récurrents, ainsi que par une sensualité nouvelle – pour la France - dans la représentation du corps.

Les figures féminines hantent les voûtes, les murs et les arceaux de Fontainebleau. A travers des figures mythologiques propres à magnifier le pouvoir, l’artiste représente la réalité de son temps. L’inspiration à l’antique nourrit une surcharge décorative. L’utilisation de l’imagerie médiévale joue également un rôle fondamental dans l’assimilation de la Renaissance italienne dans la mentalité française.

L'Ecole allie la fraîcheur des couleurs, le goût décoratif, l'allongement des formes, la grâce des nus, et l'équilibre harmonieux de la composition. On y utilise volontiers la technique du trompe l'oeil. Le célèbre portrait de Gabrielle d'Estrées du musée du Louvre présente deux figures peintes avec sensualité, et de manière identique. L'effet de trompe-l'oeil y est encore accentué par la présence d'une seconde scène, se déroulant en arrière-plan de la première.

Le château de Fontainebleau, la « maison des siècles, vraie demeure des rois » - comme le dira plus tard Napoléon Ier - devient le centre d’une école italienne en France. Lorsque François Ier regagne en 1527 son royaume après sa captivité à Madrid, il s’installe définitivement à Fontainebleau où il profite des plaisirs de la chasse, dans la forêt très giboyeuse qui entoure ce qui n’est alors qu’une « vieille demeure ». François Ier décide de modifier et rebâtir le château médiéval pour en faire une résidence royale : tout le bâtiment est réédifié à l’exception du donjon de Saint Louis. Le chantier est vaste. Vasari déclare que Fontainebleau est devenu quasiment « une nouvelle Rome ». Pour orner les intérieurs, le roi fait appel à des décorateurs et artistes italiens : Giovanni Battista di Iacopo surnommé Rosso Fiorentino (« le rouquin florentin ») et Francesco Primaticcio, dit Le Primatice.

Les peintres italiens en France

Rosso, artiste florentin formé dans l’atelier d’Andrea Del Sarto et influencé par Michel Ange, devient le premier peintre de François Ier. Le roi l’invite en France en 1531 pour conduire la décoration du château de Fontainebleau. L’artiste réalise également des dessins de costumes, d’orfèvrerie et imagine le grand escalier à l’antique de la cour ovale. Le plus célèbre témoignage de son travail à la cour de France est le décor de la galerie François Ier qu’il conçoit entre 1533 et 1539 : les fresques sont encadrées de grandes figures de stuc en haut relief.

L’iconographie de cette œuvre capitale à la gloire du roi est inspirée par la mythologie et l’histoire antique. Elle a une influence considérable sur tous les arts décoratifs.

Le Primatice, artiste bolonais formé auprès de Jules Romain sur le chantier du palais du Té en Italie, rejoint Rosso en France en 1532.

Après la mort de Rosso en 1540, Le Primatice dirigera le chantier des décors du château. Nicolo dell’Abate, établi à Bologne, est également appelé à Fontainebleau par Henri II en 1552. Il devient le « second » de Primatice et collabore avec lui à la décoration du château, en particulier pour le décor de la Salle de Bal et de la Galerie d’Ulysse (voûte ornée de scènes antiques, vie d’Ulysse et grotesques…).

Autour de ces maîtres se forme une équipe de fresquistes, stucateurs, menuisiers qui œuvre à la décoration et l’ameublement du château : l’italien Luca Penni, élève de Raphaël, le flamand Léonard Thirty, et les français Charles Dorigny et Antoine Caron, notamment.

Les gravures de l’école de Fontainebleau

Primatice joue aussi un rôle capital dans la création d’un atelier de gravure à l’eau-forte vers 1542-1543. Cette technique consiste à tracer une composition à la pointe sur une plaque de cuivre vernie, avant de la faire « mordre » par l’action corrosive de l’acide. Dans les années 1540, des artistes de l’Ecole de Fontainebleau réalisent des gravures à partir de fresques et de dessins du château. Ils choisissent pour cet art de cour des sujets parfois religieux, mythologiques ou allégoriques.

Citons parmi eux : le bolonais Antonio Fantuzzi, peintre de grotesques à Fontainebleau de 1537 à 1550, qui grave une centaine d’eaux-fortes entre 1542 et 1545 ; Léon Davent qui interprète Primatice dans son œuvre ; Jean Mignon qui grave soixante eaux fortes entre 1543 et 1547, dont des œuvres érotiques. D’autres artistes pratiquent la gravure en tant qu’œuvre originale, notamment Geoffroy Dumoustier, qui assiste Rosso à Fontainebleau de 1537 à 1540.

À partir de 1545, un nouveau foyer de gravure se développe à Paris, où sont repris les thèmes des artistes de Fontainebleau, et qui diffuse plus encore l’esprit et la manière de l’école de Fontainebleau.

La place privilégiée de la tapisserie

La tapisserie est l’une des manifestations essentielles de l’art de Fontainebleau. Elle tient une place privilégiée et particulièrement fastueuse dans le décor des demeures royales et princières. Les soies sont agrémentées de fils d’or et d’argent. Les tentures sont importées de Flandres, mais de nombreux lissiers travaillent aussi en France. François Ier aurait même établi un atelier de tapisserie au château vers 1540.

Le vitrail

L’italianisme triomphe en France dans les années 1530 et s’affirme en 1540 avec le succès de l’école de Fontainebleau. Les peintres-verriers parisiens utilisent le style bellifontain à Gisors en Normandie dont la grisaille de la Vie de la Vierge (1545) est considérée comme l’exemple du vitrail apparenté à l’art de Fontainebleau. Les panneaux des galeries d’Ecouen, l’Histoire de Psyché constituent également un exceptionnel témoignage.

La sculpture

L’arrivée des artistes italiens à Fontainebleau imprime sa marque à la sculpture française. La présence des deux esclaves de Michel-Ange (1550) sur la façade d’Ecouen exercera une forte influence sur les contemporains. Le célèbre orfèvre italien Benvenutto Cellini qui séjourne à Fontainebleau (1537 ; 1540-1545), réalise un prestigieux relief de bronze semi-circulaire représentant la Nymphe de Fontainebleau à la demande de François Ier. Cette œuvre qui orne le tympan à la Porte Dorée marque les esprits. Elle reprend l’iconographie d’une fresque placée au centre de la galerie François Ier et peinte par Le Rosso et représente la légende qui donne son nom à Fontainebleau. De son côté, Jean Goujon, le plus important sculpteur français de l’époque, s’inspire de l’art du Rosso et de Primatice et de la leçon des Italiens en général.

La seconde école de Fontainebleau

Elle désigne la période d’activité des peintres du règne d’Henri IV : Toussaint Dubreuil, Martin Fréminet et Ambroise Dubois dit Bosschaert (1567-1619) peintre français originaire d’Anvers. Ces artistes travaillent au décor des maisons royales, à Fontainebleau, au château neuf de Saint-Germain-en-Laye, au Louvre et aux Tuileries.

Le peintre Toussaint Dubreuil a été formé à Fontainebleau auprès de Ruggieri avec lequel il collabore à l’Histoire d’Hercule du Pavillon des Poêles. Martin Fréminet reçoit sa première formation dans l’atelier de son père en même temps que Toussaint Dubreuil, qu’il remplace en 1602 en tant que peintre du roi. Henri IV lui confie la décoration de la chapelle de la Trinité. Le thème de la voûte est consacré à l'histoire de la rédemption de l'homme, du Déluge aux Evangiles.

Ambroise Dubois quant à lui reçoit d’importantes commandes de cycles décoratifs pour le château de Fontainebleau à partir de 1600. Il est nommé peintre de la reine Marie de Médicis en 1606. On retrouve dans son style la grâce linéaire de Primatice et le maniérisme de Spranger. Il décore le cabinet de la reine de huit scènes de l’histoire de Clorinde (six conservées), la galerie de Diane de sujets mythologiques et de la vie d’Henri IV. Il œuvre aussi au décor du cabinet du roi (actuel salon Louis XIII - histoire de Chariclès et Chariclée).

L’Ecole de Fontainebleau se diffuse dans la France entière et fera des émules dans d’autres cours d’Europe contemporaines. Son rôle est considérable dans l’épanouissement de la Renaissance en France. La grâce des œuvres qu’elle donne à voir enchante la cour de François Ier ; celles-ci reflètent une conquête nouvelle, celle du corps, et leur symbolique en étend le mystère.

Fontainebleau atteint dès lors une grande renommée pour son château, dont le statut passe de domaine royal à celui de véritable demeure royale, entièrement rebâtie par François Ier qui l’embellit considérablement, en y important l’Italie, son art et ses artistes. Il y établit le siège de la Renaissance française dont il se veut le prince. Les guides recommandent alors aux artistes du XVIe au XIXe siècle de se rendre à Fontainebleau « maison royale, anciennement habitée du roi Saint Louis, et dernièrement par François Ier ».

 

 

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