Les films du vendredi 12h : Don Cesare di Bazan

21 mai 2015
Vendredi 22 mai à 12h, rendez-vous à l'Auditorium du Grand Palais pour la projection gratuite du film Don Cesare de Bazan. Notre spécialiste cinéma vous dit tout sur le film de Riccardo Freda.

À Barcelone en 1650, le vaillant Don Cesare de Bazan, de retour des Flandre, découvre un complot pour rattacher la Catalogne à la France tandis qu’on cherche à le marier, à son insu, à une aventurière... Ce film de cape et d’épée mené tambour battant est la première réalisation de Riccardo Freda, l’un des maîtres du cinéma populaire italien.



Le Ruy Blas de Victor Hugo fut à ce point réinterprété par le septième art que le rapprochement entre les adaptations et l’œuvre elle-même peut parfois sembler vain. Ainsi, l’intérêt du Don Cesare di Bazan porté à l’écran par Riccardo Freda en 1942, et fortement inspiré de la pièce de théâtre de Hugo, se trouve davantage dans la figure du réalisateur, ce maître du cinéma populaire italien, que dans les vers d’un dramaturge célèbre, déjà adoubé par ses pairs.

 

Avant son célèbre Les Vampires en 1956 (sublimé par les effets spéciaux de Mario Bava) ou L’Effroyable Secret du docteur Hichcock en 1962, Riccardo Freda réalise son premier long-métrage, Don Cesare di Bazan. Dès les premières minutes, le sceau de la modernité marque la pellicule. Les mouvements de la caméra, amples et virevoltants, témoignent d’une volonté qui poursuivra le réalisateur tout au long de sa carrière. Le film que nous sommes sur le point de voir laissera place à une action décomplexée, dans la grande tradition des films de cape et d’épée. Il y a, dans cette mise en scène incroyablement rafraîchissante, l’influence d’un cinéma américain idéalisé, mais aussi la touche si singulière d’une théâtralité inévitablement soumise aux lois de la caméra. La mise en scène et la photographie sont admirables, faisant place à des moments de grâce lors desquels la modernité se retrouve soudainement contaminée par les jeux d’ombre et de lumière d’un expressionnisme allemand regretté, fleurant bon le calligarisme.

 



L’irréalité de certaines scènes donne à Don Cesare di Bazan cette aura onirique propre au noir et blanc, mais surtout due à l’intention farouche d’un cinéaste qui privilégiait la photographie de son film autant que le texte récité par ses acteurs. Ainsi, Riccardo Freda n’hésite pas à perdre son spectateur, en rétrécissant au fil du temps les frontières du réel. Commençant comme un métrage teinté d’un réalisme profond, Don Cesare di Bazan finit par faire ouvertement référence au cinéma du rêve par excellence : l’expressionnisme. La scène finale dans l’escalier, alors que Don Cesare (incarné par l’acteur fétiche de Freda, Gino Cervi) poursuit le vicomte de Beaumont (Enrico Glori), et que leurs ombres se déforment sur les murs de pierre alors que dehors l’orage éclate, est un véritable morceau de bravoure qui n’a rien à envier à ses contemporains.

 

Il est tout un jeu de double sens, de pièges tissés à la fois pour les protagonistes de l’histoire et pour le public, mais surtout, un métalangage qui se fait soudainement critique de théâtre, alors que l’homme derrière la caméra adapte lui-même un texte originellement fait pour les planches. La belle Française Renée Dumas (Anneliese Uhlig) est comédienne, un emploi qui ne fait que confirmer l’intérêt des nombreuses références à Roméo et Juliette et à Hamlet, autant que la présentation des coulisses de ce monde où le quatrième mur est une réalité alternative. Lors de la pièce de théâtre organisée pour le roi Philippe IV (Enzo Biliotti), l’audience commente à haute voix, figurant alors le spectateur devant le film de Freda : « Avec votre manie de la modernité, allez savoir où on finira ». Le ton est léger, moqueur, et c’est bien là ce qui donne un charme exquis au long-métrage de l’Italien, celui d’un cinéma qui s’analyse sans jamais réellement se prendre au sérieux. « Qu’y a-t-il de plus beau que l’illusion ? », demande innocemment le vicomte de Beaumont, tout en laissant au voyeur indiscret des salles obscures le choix de sa réponse.

 

Le film d’aventure en costumes, à l’ambition similaire à celle de nos films d’action contemporains, prend ici une dimension autrement plus intéressante. Par cette discussion autour de l’univers du théâtre, bien sûr, mais aussi par son discours sur l’amour, qui, entre Renée Dumas et Don Cesare, s’apparente à une farce habilement menée. Les épanchements de Don Cesare sont excessifs et emportés. Et sa déclaration d’amour à une femme dont il ignore le nom a la même crédibilité que ses répliques héroïques déclamées avec le poing fièrement serré sur la hanche. Renée, elle, est prisonnière d’un chantage, à la fois figure d’une beauté mystérieuse et félonne rongée par les remords. Elle est irréelle, marmoréenne, drapée de sa cape et filmée telle une statue, figée par sa condition même de femme. Que peut bien faire le sacrifice de sa dignité pour sauver son propre père ? Qu’importe-t-il qu’elle ne soit pas maîtresse de sa destinée ? Des questions laissées en suspens, et dont les réponses ne semblent pas vraiment intéresser le cinéma des années 1950.

 

Don Cesare di Bazan de Riccardo Freda offre du grand spectacle - de ses chevauchées endiablées à ses combats à l’épée -, des romances et des rebondissements, en parvenant à ne jamais s’essouffler. Même lorsque le film prend curieusement le temps de s’arrêter afin de réfléchir à sa propre condition d’œuvre du septième art.

 



Annabelle G 

 

Information pratiques :



Projection le vendredi 21 mai à 12h à l'Auditorium du Grand Palais.

Consultez la fiche événement dans d'agenda du Grand Palais.

L’entrée à l’auditorium est gratuite. Téléchargez l'invitation ici

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