Voilà déjà dix-huit ans que Le cinquième élément est sorti en salle. Le temps passe vite, et il semblerait que depuis 1997, la carrière de Luc Besson en tant que réalisateur n’ait pas été qu’une partie de plaisir. Pourtant, malgré Lucy (2014), aka la redigestion de toutes les œuvres du cinéaste, il y a de nombreuses choses positives à dire sur son ancien long-métrage. Alors que le bug de l’an 2000 n’était pas encore arrivé (et on l’attend encore), cette production coûteuse offrait une vision SF colorée, enfantine et divertissante à souhait.
Roger Ebert disait du
Cinquième élément qu’il s’agissait là d’un des films les plus « loufoques » qu'il lui eut été donné de voir. Et il avait raison. Le critique regretté mit dès lors les mots justes sur le travail de Luc Besson, ce petit garçon armé d’un budget de 93 millions de dollars, soudainement dépensés dans une énorme quantité de jouets. Contrairement à Peter Jackson cependant, chez qui l’argent a fait les dommages que l’on connaît aujourd’hui après trois longs développements du
Bilbo de Tolkien, il y a chez le Français l’envie sincère de créer quelque chose de nouveau, de follement réjouissant.
Le Cinquième élément a un je-ne-sais-quoi de jubilatoire le rendant aussi attachant que culte.
Tous les spectateurs de l'époque ont encore en mémoire l’univers visuel et les costumes incroyables de Jean-Paul Gaultier, venant habiller le film de la tête aux pieds dans une fabuleuse débandade burlesque. Des « bandages thermiques » (autres mots pour « PG-13 ») de Leeloo (Milla Jovovich) à la coiffe de Zorg (délicieux Gary Oldman) et la combinaison léopard de Ruby (Chris Tucker) avec son encolure échancrée jusqu’aux épaules, personne n'a pu vraiment sortir indemne de ce défilé permanent. Associées aux décors de Dan Weil et à la photographie de Thierry Arbogast, ces tenues finissent par créer l’identité visuelle d’un monde singulier. Et cela est déjà une réussite en soi.
Scénaristiquement,
Le cinquième élément ne s’embarrasse pas de complications, préférant les tropes récurrents d’un genre (vus, revus, lus et relus) à ses subtilités. Cela lui permet de toucher un public extrêmement large, qu’il s’agisse des fans de John McClane ou ceux de Ridley Scott. Le pitch est très simple – sans dire simpliste – mais efficace : cinq éléments doivent être réunis afin d’éviter l’extermination de l'humanité. Rebondissements, action, explosions, voitures volantes, chat strabique, extraterrestres, vaisseaux spatiaux et enfin, le dénouement : terre + feu + air + eau + Leeloo (l’amour) = ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Bien que le commentaire acide soit facile, il ne faut pourtant pas longtemps pour comprendre ce scénario enfantin, qui, correctement amené, donne l’illusion de la complexité.
Alors, bien que la création de Luc Besson paraisse à présent un peu datée (elle n’a au fond pas si bien vieilli), il demeure cet incroyable bonheur de retrouver des personnages que l’on adore et un univers dans lequel on aime se perdre, le tout rythmé par la très bonne bande-son d’Éric Serra. Qui a pu oublier la scène culte de l’opéra où la Diva Plavalaguna entonne son « Lucia di Lammermoor », de l’œuvre musicale éponyme, interprété par la chanteuse Inva Mula Tchako (apparaissant sous les traits d’une créature bleue, notre Maïwenn nationale) ? À noter que le véritable compositeur de cet air maintenant si connu est, dans sa version originale, Gaetano Donizetti, mort en 1848.
Toutes les influences de Luc Besson sont dans
Le cinquième élément. Âgé de trente-huit ans lors du tournage, il est maintenant su que c’est à seulement seize ans qu’il eut pour la première fois l’idée de son long-métrage. Il y a ici la plupart des passions d’un adolescent qui aurait trop regardé
Star Trek,
Star Wars ou
Blade Runner. Bien que les choses ne se bonifient pas nécessairement avec le temps, ce blockuster subsiste, tel un souvenir impérissable pour beaucoup d’entre nous. Il y a dix-huit ans de cela, le réalisateur français parvenait à élaborer une vraie proposition artistique et créative, dont l’empreinte au sein de la science-fiction cinéphilique reste considérable.