Monumenta : envols et passages

11 juin 2014
Si le cosmos ne vient pas à l’homme, c’est l’homme qui cherche des moyens de l’atteindre...

Ilya et Emilia Kabakov, Maquette de L’étrange cité © Ilya et Emilia Kabakov / ADAGP, Paris 2014

S’échapper de la réalité quotidienne, il s’agit là d’un rêve universel que les Kabakov manient avec envie et prudence. Au centre de L’Etrange cité se dresse Manas, un pavillon qui présente la maquette d’une ville imaginaire située au Tibet à flanc de montagnes. Quelques jours par an, un double céleste de la cité apparaît dans le ciel comme manifestation du rêve et d’un idéal spirituel. Cet attrait du ciel, ce désir d’envol, les Kabakov l’ont fréquemment mis en scène. 

Si le cosmos ne vient pas à l’homme, c’est l’homme qui cherche des moyens de l’atteindre. Chacun alors invente les moyens aussi spectaculaires que dérisoires de sa propre évasion : un siège éjectable fait maison pour traverser le plafond son appartement, une immense et instable échelle permettant de passer au-dessus des nuages et qui évoque étrangement les structures des artistes constructivistes russes des années 1920 et qui fut d’ailleurs symboliquement mise au banc d’essai sur la façade d’une clinique psychiatrique d’Amsterdam…

L’énergie déployée pour accéder à d’autres cieux est considérable comme s’il s’agissait d’inverser l’inévitable chute de l’homme. On en retrouve certaines de ces tentatives au sein du pavillon : Comment rencontrer un ange ?  Figure clef de l’œuvre des Kabakov, gardien ou déchu, l’ange apparaît tel un double spirituel de l’homme à même de lui venir en aide, symbole d’un dépassement collectif et d’une possible amélioration morale.  



Si le désir d’évasion est souvent visible, il se confronte aussi à un autre type de passage à l’horizon plus sombre. Les vestiges de la porte qui ouvrent l’accès à L’Etrange cité se retrouvent dans les toiles du pavillon des Portails. Dressés isolés dans un paysage à la manière des ruines romantiques de Caspar David Friedrich, ces portails sont peints à différentes heures de la journée telles les Cathédrales de Claude Monet dont la touche rappelle le style impressionniste. Etrangement évanescents, ils ne sont que le lointain reflet de la monumentalité des édifices d’origine. Comme les deux portes en bois au centre du pavillon, ils semblent n’ouvrir que sur le vide et n’offrir qu’un passage symbolique de la vie vers un au-delà. Envol vers le cosmos ou à travers les ténèbres, le désir d’une échappée est au centre de l’œuvre des Kabakov, mais son expérience n’en reste pas moins dangereuse, reflet d’un idéalisme tour à tour comique ou tragique pour l’homme.

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