Rencontre avec Olivier Widmaier Picasso

24 octobre 2014
A l’occasion de la réouverture du musée Picasso et de l’édition en DVD du film Picasso, l'inventaire d'une vie, découvrez l'interview d'Olivier Widmaier Picasso, co-auteur du film et petit-fils de l'artiste.

Arte a dédié toute la soirée du 26 octobre au maître Picasso, avec ce film en temps fort diffusé en prime time. Retrouvez le film en DVD, VOD et partez à la rencontre d’Olivier Widmaier Picasso, co-auteur avec Hugues Nancy, du film très riche en archives familiales inédites.





Vous êtes le petit-fils de Picasso, fils de Maya Picasso, elle-même fille de Pablo et de Marie-Thérèse Walter. Vous aviez 10 ans à la mort de votre grand père. Quels sont vos souvenirs les plus forts ?



Apprendre la mort de mon grand-père par un flash spécial à la télévision. Comme je l'ai souvent dit, il est "né" ce jour-là pour moi ! Auparavant, je vivais un lien affectif très simple au travers des nombreuses œuvres à la maison mais sans vraiment m'en soucier. En quelques jours, j'ai appris des tas de choses sur lui sans les avoir demandées. Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre l'homme et l'artiste qu'il était et trouver ma place pour vivre "avec" Picasso.



Votre livre Portrait de famille a été édité en novembre 2013 et vous avez donc coécrit le film Picasso, l’inventaire d’une vie. C’est une prolongation du livre ou le film révèle-t-il de nouveaux secrets ?



Le point de départ du film est, comme dans mon livre, le jour de la mort de mon grand-père mais élargi à la découverte que le monde entier a faite du trésor inimaginable des œuvres qu'il avait conservées.

C'est l'histoire de cette succession (le mot traditionnel) qui a donné lieu à la constitution de la dation (le règlement des droits de succession par la remise d'œuvres d'art à l'État) et qui a permis la création du musée Picasso. Elle raconte un travail d'équipe où l'ensemble des héritiers a proposé que l'État choisisse en premier ce qui était unique, et de réserver un choix exceptionnel au futur musée.

Le résultat dans le film est éblouissant. C'est le premier tourné en HD grâce aux images d'œuvres apportées par la photothèque de la RMN qui en est un des coproducteurs. Il révèle à la fois la complexité de cet héritage à partager et son importance dans l'histoire de l'Art. Hugues Nancy et moi avons dû faire entrer un siècle de vie et de création dans 110 minutes ! Hugues et notre monteuse, Mathilde Morières, ont réalisé un travail d'orfèvre.



Dans le film, vous avez pris comme point de départ le décès de Pablo Picasso pour raconter la Succession. Pourquoi ?



C'est la mort de Pablo, ce 8 avril 1973, qui va réveiller le passé. Sa famille se recompose tout d'un coup et rappelle les périodes de sa vie, les époques qui racontent à la fois le destin d'un homme dans une société, une Europe, un monde en changement et aussi la naissance du marché de l'art, entre marchands et collectionneurs. Il y a donc des allers-retours réguliers dans le film entre le déroulement de la fameuse succession, et les rumeurs de l'époque sur une prétendue guerre des héritiers qui n'a jamais eu lieu.



Vous êtes heureux de la réouverture du musée Picasso ?



Nous avons vécu cinq années sans musée Picasso. C'est long. Pour les aficionados comme pour les chercheurs et le public du monde entier qui adore Picasso. Cette réouverture est donc un moment de joie pour tous.

Aujourd'hui, aller au musée est un divertissement complètement acquis pour tout le monde. Il faut donc conjuguer un accès, une circulation et une explication en phase avec notre temps. Le pari est tenu. De plus, Laurent Le Bon, président du musée, va remettre en place les liens nécessaires avec les autres grands musées et ces passerelles vont encore élargir la connaissance de la vie et de l'œuvre de Picasso. C'est incroyable ! D'ailleurs, dès l'automne 2015, une grande exposition sur Picasso et la modernité réunira le Musée, le Centre Pompidou et la RMN au Grand-Palais sous la direction conjointe de trois commissaires : Didier Ottinger du Centre Pompidou, ma sœur Diana qui est une historienne d'art reconnue et Émilie Bouvard du Musée Picasso.



Que souhaitez-vous transmettre par ce film ?



La liberté telle que l'a vécue et revendiquée Picasso. Dans sa vie et dans son œuvre. Il a accompagné, souvent guidé dans l'art, un siècle de bouleversements. Le film rappelle ces grands moments. J'ai aussi voulu montrer le travail d'un homme avec sa détermination et son sens des détails. Hugues a partagé dès le départ cette nécessité de montrer l'ampleur de l'œuvre mais aussi sa complexité. On n'entre pas chez Picasso facilement. Il fallait décrypter les choses. Vous verrez l'immense créativité d'un artiste toujours nourri de questionnements mais aussi de modèles dont toutes ces femmes qu'il a croisées et, en un sens, reconnues ! Ma grand-mère Marie-Thérèse Walter en fait partie.

 

Quelle peinture préférez-vous de votre grand père ?



Il est extrêmement difficile de choisir une seule œuvre de Picasso. C'est énervant. S'il n'en fallait qu'une, ce serait un portrait de Marie-Thérèse parce que c'est mon lien naturel. Et c'est presque celui du public qui identifie Picasso à cette période. Donc, je choisis un de ses portraits qui reflètent leur amour placé sous le symbole du peintre et son modèle, tel que Pablo l'avait voulu quand il l'a rencontrée en janvier 1927 devant les vitrines des Galeries Lafayette : "Mademoiselle, je voudrais faire votre portrait. Je crois que nous allons faire de grandes choses ensemble !".



Est-ce qu’un descendant Picasso a repris le pinceau ?



Non, je dirais presque évidemment ! Cela dit, il y a un atavisme. Les enfants de Pablo, ma mère Maya, Claude et Paloma ont un joli coup de crayon et on comprend qu'ils ont vécu dans un environnement artistique. Ma sœur et mon frère dessinent bien également. Moi, je ne sais faire que des voitures. Alors, à travers mes activités de producteur, je prends soin du talent des autres.

 

Propos receuillis par Nathalie Gillart

 

 

Retrouvez l’interview du réalisateur Hugues Nancy par ici





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