Si belle et mystérieuse Vénus

28 mai 2015
Nul ne sait exactement quand, ni pour qui, Velázquez a peint ce tableau, l’un des plus beaux et des plus célèbres nus féminins de l’histoire de l’art. Est-ce avant son deuxième séjour à Rome, ou pendant les longs mois passés dans la Ville éternelle ? L’a-t-il réalisé pour un mystérieux commanditaire ou pour lui-même ? Et d’ailleurs, qui est représenté ici ? La maîtresse italienne du peintre ?

Diego Velazquez, La toilette de Venus, 1647-1651, 123 x 177 cm, Huile sur toile, The National Gallery, © The National Gallery

Il fallait en tout cas une certaine audace pour oser peindre un nu, dont la représentation et la possession étaient strictement interdites par l’Inquisition, sous peine (au moins) d’excommunication, ce qui explique la rareté de ce type de tableaux dans la peinture espagnole au XVIIe siècle. À moins que la protection des puissants, au premier rang desquels le roi lui-même, n’ait été suffisamment dissuasive auprès du terrible tribunal, qui n’a jamais cru bon de reprocher au monarque les nombreux nus conservés dans les collections royales. Et c’est sans doute devant les sublimes Vénus et Danaé du Titien et les nus voluptueux de Rubens que Velázquez envisagea de réaliser, lui aussi, un nu féminin isolé, dont le genre était déjà passé de mode en Italie.



De Vénus, le modèle ne possède qu’un seul attribut : l’incomparable beauté. Et encore n’est-elle vue que de dos. Le reflet de son visage – qui semble nous observer – dans le miroir est trop flou pour qu’on puisse en admirer les traits. Cupidon, lui, semble totalement absorbé dans la contemplation de la déesse langoureusement allongée, dont le corps si mince, peu conforme aux canons de l’époque, se détache sur une draperie grise qui a perdu sa couleur d’origine, entre le mauve et le pourpre. Ses courbes délicates, la souplesse de sa taille, ses épaules si menues, la chevelure relevée qui découvre la nuque : tout, dans ce tableau, engendre chez le spectateur un trouble proche de  l’émotion. Celle du bonheur sans doute, dont la beauté, selon Stendhal, est la promesse.





Sylvie Blin



(Ré)écoutez l'émission de France Culture Les Regardeurs, consacrée à "La Vénus au miroir" :



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