Les oeuvres monumentales de Niki de Saint Phalle

Les oeuvres monumentales de Niki de Saint Phalle

3 October 2014
Si les tableaux-cibles et les Tirs invitaient déjà à la participation, toute sa vie, Niki de Saint Phalle a construit une œuvre largement ouverte au public.





Très vite, ses sculptures, déjà grandes, deviennent pénétrables (Hon, les Nanas-maisons) et habitables (de nombreuses maisons ont été réalisées par l’artiste pour des particuliers) initiant alors une œuvre à l’échelle du jardin ou de la ville. Il y a chez l’artiste un désir double : celui  de dépasser le cadre restreint du musée pour aller à la rencontre de tous, mais aussi se confronter à la sculpture monumentale, un domaine traditionnellement réservé aux hommes. Sa participation, avec Jean Tinguely à l’Exposition universelle de Montréal en 1967 lui en fournit l’occasion. Ils présentent Le Paradis fantastique au Pavillon français : un combat comique où les machines viriles de Jean Tinguely s’attaquent aux formes colorées de Niki de Saint Phalle. La fontaine Stravinsky à Paris (1983) ou celle de Château-Chinon (1987) sont les descendants directs de ce Paradis dont elles reprennent le modèle. L’œuvre impressionne et donne lieu à une importante commande pour un parc de Jérusalem. Niki y livre en 1973 un Golem dont les langues servent de toboggan.



L’objectif est atteint : l’artiste disparaît derrière l’objet immédiatement adopté par les enfants. Caroline, Charlotte et Sophie, les Nanas installées à Hanovre en 1974, déclenchent, elles, une polémique. Le 24 mars, un tir à la corde géant est organisé entre les pros et les anti-Nanas. Les pros l’emportent. Les sculptures donnent même naissance à un beignet : le Nananas-Flip. Ces réactions vives enthousiasment l’artiste qui avouera plus tard : « Je préfère une telle chose à une exposition dans un musée […] ici, je suis en contact avec le grand public. Et le grand public est mon public. » (1)


Vue du Jardin des Tarots, Garavicchio, Italie, © Laurent Condominas





 

Des projets, Niki de Saint Phalle en porte beaucoup. Nombre d’entre eux  ne seront pas réalisés comme celui d’une Eglise pour toutes les religions, imaginée dès 1972 et qui faillit voir le jour à Nîmes. Marquée par le Parc Güell de Gaudí et le Palais idéal du Facteur Cheval, l’artiste projette la construction d’un jardin dès 1965. Si elle collabore déjà au Cyclop de Tinguely dans les bois Milly-la-Forêt, elle se lance dans la construction de son jardin fantasmé : Le Jardin des Tarots à Garavicchio en Toscane dont la construction, entièrement autofinancée, l’occupe de 1979 à 1997.  Elle y réinterprète en sculptures monumentales les arcanes du tarot de Marseille.



Dans cette « promenade ésotérique et philosophique », les figures clés de son œuvre se trouvent mêlées à de nouvelles références dans un univers coloré fait de mosaïques de céramique, de verre et de miroir auxquelles s’ajoutent les œuvres d’artistes amis. Se nourrissant de l’œuvre existante, le jardin l’inspire aussi pour d’autres commandes publiques comme Sun Gold à San Diego (1983), un Arbres aux serpents pour l’hôpital pour enfants de Long Island (1989) ou L’Ange protecteur (1997), une belle Nana ailée bleu Klein, en gare de Zurich. Deux autres grands projets occupent Niki les dernières années de sa vie : l’Arche de Noé de Jérusalem en collaboration avec l’architecte Mario Botta et Queen Califa’s Magic Circle à Escondido en Californie, nouveau jardin public où elle s’inspire cette fois des mythes indiens et mexicains et dont elle fera don à la ville.

 

Camille Morineau, commissaire de l’exposition, évoque aussi la dimension utopique de cette œuvre démocratique, faite en défi à une histoire de l’art qui peine à offrir une place réelle aux femmes : «les œuvres une fois installées sont prêtes à transformer le monde. » (2) 







(1)   Niki de Saint Phalle citée par Catherine Francblin dans Niki de Saint Phalle, la révolte à l’œuvre, Paris, Hazan, 2013, p.376.

(2)   Camille Morineau, « A bas l’art pour le salon ! L’art public de Niki de Saint Phalle, à la fois pionnier, politique, féministe et magique » dans le catalogue de l’exposition : Niki de Saint Phalle, Paris, RMN, 2014, p.257.




Read also
Browse magazine