Les sculptures céramiques de Gauguin

Les sculptures céramiques de Gauguin

10 November 2017
L'exposition Gauguin révèle les méthodes de travail et les expérimentations de l'artiste dans les domaines les plus divers et notamment dans la céramique.
De nombreuses "sculptures céramiques", terme inventé par l'artiste, sont présentes dans le parcours du Grand Palais.

À partir de 1886, Gauguin réalise dans l’atelier parisien du céramiste Ernest Chaplet des grès dont il espère tirer des revenus. Gauguin redéfinit les règles de la collaboration entre céramiste et artiste : il ne se contente pas d’appliquer des décors sur des structures existantes, mais prend son indépendance. Il maîtrise toutes les étapes, du façonnage traditionnel au colombin jusqu’à la cuisson et invente pour cette nouvelle pratique le terme hybride de « sculpture céramique ». Les céramiques adoptent le plus souvent la forme d’un pot ou d’un vase, même si l’étrangeté et la complexité des formes semble les rendre impropres à tout usage.

Gauguin est fasciné par le grès, un matériau modeste transfiguré par l’opération de la cuisson qu’il assimile au feu de l’enfer. Cette image l’amène à créer des formes parfois inquiétantes et toujours polysémiques. Des techniques variées (décors modelés, incisés, aux oxydes métalliques, à l’engobe, glaçures diverses, rehauts dorés) développent ainsi des niveaux de lecture complexes. D’un profil à l’autre, l’objet prend vie, tantôt homme, tantôt monstre.




Vase en forme de souche, 1887-1888, grès, Paris, Musée d’Orsay © Musée d'Orsay, dist. Rmn-Grand Palais / Patrice Schmidt



Le vase ci-dessus numérisé en 3D par l'agence photographique de la Rmn-GP représente simultanément une souche d’arbre et une face humaine, tandis qu’une branche sortant de l’arrière se termine par deux visages féminins. Cet objet montre que Gauguin concevait ses céramiques selon un processus biologique de croissance, conformément à son idée selon laquelle les artistes sont des « élus » de la nature oeuvrant à une « continuation de création ».



L’étude des céramiques en grès de Gauguin révèle un travail fondamentalement expérimental, dans les formes choisies comme dans le champ de la technique. Nombre d’entre elles présentent une forme creuse – vase, pot… – réalisée en plaçant une main à l’intérieur de l’objet pour éviter toute déformation et en ajoutant de l’autre des éléments décoratifs et des personnages sur l’extérieur. Cette méthode de travail expliquerait en partie l’ouverture irrégulière en forme de V pratiquée au revers d’Oviri, permettant à Gauguin d’atteindre le fond en passant sa main à l’intérieur. Souvent, les ajouts plastiques présentent des défauts d’application – fissures de cuisson sur leurs pourtours – et, pour le Pot anthropomorphe, certains ne semblent pas avoir tenu au moment de la cuisson, laissant ainsi visibles des zones d’arrachement en partie inférieure. Pourtant, ces défauts révélés à la sortie du four ne semblent pas avoir été rédhibitoires aux yeux de Gauguin.


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