Photographier un mégot peut être de l'art : la série des cigarettes d'Irving Penn

Photographier un mégot peut être de l'art : la série des cigarettes d'Irving Penn

6 December 2017
Comme les Nus, les Cigarettes d’Irving Penn se heurtent à l’incompréhension du public. Pourquoi créer des images d’une beauté inouïe mais montrant des choses indignes de notre attention ?

Dans les années 1950, Irving Penn fait des portraits d’hommes et de femmes en train de fumer et des publicités pour des cigarettes. À titre personnel, il déteste le tabac et se sent solidaire de la lutte contre les cigarettiers menée par l’American Cancer Society. La cigarette n’est que l’un des sujets à propos desquels l’opinion publique évolue profondément entre les années 1960 et le début des années 1970. 


Cigarette No. 37, New York, 1972, The Metropolitan Museum of Art, New York, Promised Gift of The Irving Penn Foundation © The Irving Penn Foundation
Les mégots dans le caniveau ont une portée plus large. En les disposant pour la prise de vue, Irving Penn voit leur rapport étrange avec les individus et, plus globalement, avec une nation mise à mal par l’irresponsabilité des entreprises et des décideurs politiques. Sur les tirages au platine de grand format, les frêles résidus d’un plaisir passager renferment en eux les malheurs du temps et, dans un esprit assez zen, réconcilient le vil et le beau.

 
Comme le chiffonnier de Baudelaire qui trie les déchets rejetés par la ville, Irving Penn voit de la poésie dans les détritus : pris au sens large, ils constituent des témoignages indirects de l’état du monde ; plus intimement, ils sont une fenêtre sur la vie des autres. Il garde ce qu’il trouve dans la rue, à la fois littéralement et en le fixant sur la pellicule.


 
Il envisage de tirer les Cigarettes au platine, une technique du XIXe siècle qui consiste à exposer le négatif sur un papier enduit d’une couche de sels de fer et de platine. Le négatif est mis directement en contact avec le papier lors de l’exposition sous une lumière ultraviolette. Penn complexifie le procédé en multipliant les expositions et les couches de métaux précieux (platine, palladium et iridium). Il exploitera fréquemment ce procédé dans la suite de sa carrière, y compris pour faire des retirages de ses séries plus anciennes. En plus d’être inaltérables, le platine et le palladium offrent une grande subtilité de nuances dont bénéficient les vieux mégots ramassés par Penn, sublimés par cette technique de tirage.








Dans cette vidéo animée de la chambre noire d'Irving Penn, Vasilios Zatse, qui a été son assistant de 1996 à 2009, explique le processus innovant utilisé par l'artiste pour réaliser ses tirages photographiques platine-palladium.

 











Irving Penn, Grand Palais

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