Lions, vaches, autruches...Retour au bercail

Lions, vaches, autruches...Retour au bercail

13 November 2012

Par Emmanuelle Héran, commissaire de l'exposition Beauté animale

J’aime proposer des expositions à ceux qui n’ont pas fait d’études d’histoire de l’art et qui pensent à tort qu’une exposition : ce n’est pas pour eux !

Pour Beauté animale, j’ai pensé bien sûr au public habitué des Galeries nationales, qui est souvent très féru d’art, mais aussi à tous ceux qui travaillent avec ou sur les animaux et qui n’ont jamais poussé les portes du Grand Palais. Les zoologistes, les éthologues et comportementalistes, les zootechniciens, les propriétaires d’animaux de race, les éleveurs, les bergers, les inséminateurs, les cavaliers, les lad-drivers ou lad-jockeys, les brigadiers équestres, les palefreniers, les maréchaux-ferrants, les chuchoteurs, les accompagnateurs de tourisme équestre, les agents techniques forestiers, les gardes-pêche, les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires, les soigneurs, les éducateurs canins, les dresseurs, les toiletteurs, les vendeurs en animalerie, les journalistes animaliers, les photographes, les documentaristes, les taxidermistes…ils sont nombreux ! Sans oublier tous ceux qui agissent au sein d’associations.

J’aimerais vous lire une phrase de Delacroix, qu’il a notée dans son journal après avoir visité les galeries du Muséum : « […] Eléphants, rhinocéros, hippopotames, animaux étranges ! […] J’ai été, en entrant dans cette collection, pénétré d’un sentiment de bonheur. A mesure que j’avançais, ce sentiment s’augmentait ; il me semblait que mon être s’élevait au-dessus des vulgarités ou des petites idées, ou des petites inquiétudes du moment. Quelle variété prodigieuse d’animaux et quelle variété d’espèces, de formes, de destination ! A chaque instant, ce qui nous paraît la difformité à côté de ce qui nous semble la grâce ».

Autruche

Nicasius Bernaerts, Etude d'autruche (1664/1668, huile sur toile) Paris, musée du Louvre, en dépôt au Musée du château des ducs de Wurtemberg à Montbéliard

Dans les oeuvres exposées au Grand Palais pour cette exposition, pour ma part j’ai un faible pour l’autruche de Nicasius Bernaerts. Elle témoigne de l’étrangeté que ce grand oiseau avait pour les gens du XVIIe siècle. Car cette autruche était alors réservée à une élite. En effet, c’était une pensionnaire de la ménagerie de Louis XIV à Versailles, à laquelle une infime partie de la population avait accès et ce « portrait » a fait ensuite partie du décor de cette même ménagerie. Je trouve que l’artiste a su être méticuleux dans sa description tout en donnant de la noblesse à cet oiseau. Surtout, c’est une œuvre pétillante d’humour ! Elle a un côté Zizi Jeanmaire dans « Mon truc en plumes » !

En tant que spécialiste de sculpture, j’ai évidemment un amour profond pour l’Ours blanc de Pompon. Mais j’aime beaucoup aussi le Dindon de Giambologna. Je me souviens de mon enthousiasme la première fois que j’ai visité le musée du Bargello à Florence. Les animaux en bronze que Giambologna a créés pour les Médicis sont exposés à l’étage, dans une loggia. Ce sont de pures merveilles, en particulier ce dindon. Obtenir ce prêt a été une grande joie ! Je suis ravie que le public ait pu découvrir cette œuvre.
A bien y réfléchir, c’est peut-être les porcs-épics peints par Pieter Boel que je préfère. Il y a un mélange de tendresse et de bizarrerie dans ce tableau…Et j’espère que, pendant sa visite à l'exposition, le public a éprouvé lui aussi cet émerveillement et a été continuellement surpris, entre beauté indéniable et prétendue laideur.

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