Chagall surréaliste ?

From 22 septembre 2001 To 7 janvier 2002
Musée national Marc Chagall, Nice
Description


Chagall aurait pu être un peintre surréaliste : en
1924, Max Ernst et Paul Eluard lui demandent d’adhérer au
groupe surréaliste alors en cours de constitution, mais en vain,
- et la rencontre n’a pas vraiment eu lieu, en dépit d’affinités
réelles. Il y a en effet chez Chagall, comme chez les Surréalistes,
la certitude que l’imagination, la capacité d’invention
sont les éléments essentiels de la création artistique.
Mais si les Surréalistes pensent que l’imagination est d’abord
une production de l’inconscient, qu’il convient de laisser s’exprimer
librement, Chagall considère qu’elle est profondément
liée au métier et à la tradition, et que l’artiste
doit la maîtriser, la guider.

Dans ses propos comme dans ses écrits, Chagall rejette ainsi l’inconscient.
L’importance qu’il accorde d’ailleurs à l’autoportrait
dans son œuvre (Autoportrait aux sept doigts, 1912-1913 ;
Le Peintre devant la cathédrale de Vitebsk, 1911 ;
Autoportrait devant la fenêtre, 1914…) souligne ce rejet
en affirmant une sorte de surmoi chargé de contrôler son
travail d’artiste. Aussi bien, ce que sa création peut avoir
de surréaliste ne procède pas d’une pulsion inconsciente,
mais de la volonté de provoquer, dans la représentation
du monde, des bouleversements, des accidents, des apparitions fantastiques
qui en désorganisent ou annulent les grandes catégories
(le haut et le bas ; la loi de la pesanteur ; les rapports de
grandeur entre les êtres, les objets, etc…). On constate
pourtant que l’inconscient ne laisse pas de se manifester dans de
nombreuses œuvres de Chagall, qui présentent les caractères
de véritables images oniriques où l’on peut suivre
le travail de condensation et de déplacement propre au rêve,
selon Freud. Il est probable que l’attention des Surréalistes
ait été particulièrement retenue par ces œuvres
où des ânes amoureux, des lapins géants, des bouteilles
et des couteaux (Etude pour "Le Saoul ", 1911) donnent
des équivalents plastiques au désir, à la pulsion
sexuelle et au plaisir.

D’autres raisons feront que Chagall ne rejoindra pas les Surréalistes
et d’abord le fait qu’il produit aussi, à cette époque,
des œuvres à caractère réaliste (des paysages
de Bretagne et du Morvan) ou religieux (des illustrations de l’Ancien
Testament) : on sait assez le rejet violent, par les amis d’André
Breton, de toute forme de réalisme en art et de la religion en
général…

Les rétrospectives de l’œuvre de Chagall, contraintes
de montrer toutes les facettes de sa production, présentent ses
œuvres réalistes, religieuses ou sagement poétiques
à parts égales avec ses œuvres « oniriques »,
de telle sorte que l’originalité et la spécificité
de ces dernières peuvent passer inaperçues. L’exposition
Chagall surréaliste ? s’attache au contraire à
ces seules œuvres. Elle montre un Chagall qui n’obéit
à aucun critère d’école, de groupe ou de mouvement ;
le plus souvent autour d’une figure centrale, celle du poète
ou du peintre " la palette à la main ", il suscite un
monde de fantaisie où l’homme-coq volant côtoie le grand
âne qui porte sur son dos une belle endormie (Homme-coq
au-dessus de Vitebsk,
1925 ; Le Rêve, 1927) : un
univers magique, pour reprendre le terme qu’André Breton
emploie pour qualifier l’art de Chagall.

L’exposition présente un ensemble de peintures et de dessins
qui couvrent près de soixante années de création
(1911-1970) et dont un grand nombre n’a jamais été
montré en France. C’est un parcours à travers la part
sans doute la plus subversive de l’art d’un des créateurs
les plus inclassables du siècle.

Cette exposition est réalisée en partenariat media avec
France Bleu Azur.