1976-2014 : 38 ans de prêt-à-porter chez Gaultier, un nouveau vocabulaire du vêtement
Les débuts se font difficiles et frisent presque le dépôt de bilan. Il est à deux doigts de jeter l’éponge lorsque le groupe japonais Kashiyama vole à son secours. La reconnaissance ne tardera pas à frapper à sa porte et rapidement le jeune couturier sera propulsé sur le devant de la scène. Sous un parfum de scandale, sa mode bricolage, à la fois rock et bohème, saura séduire de nombreux adeptes et capter l’attention des rédactrices de mode, fidèles soutiens.
En 1983, il présente sa collection « dadaïste » où, au delà du vêtement, le corps s’exprime. Bretelles tombantes, jupes de travers et robes qui dégringolent, donnent aux femmes cette dégaine qu’il chérit tant tandis que le corset s’allonge et se fait robe. Paris bat son plein pour le Printemps-Eté 1988 où les mannequins défilent cigarette à la bouche, avec une exubérance aux antipodes de la sage bourgeoisie. Cette insolence emplie d’humour restera une ligne directrice constante chez le couturier.
La créativité joyeuse et l’exhibitionnisme assumé de ses shows marqueront durablement les esprits. Il investit tour à tour le Palais de la Découverte, la Grande Halle de la Villette, le Cirque d’Hiver et voyage autour du constructivisme russe[1], des habits traditionnels juifs orthodoxes[2], du Mexique[3] ou de la Mongolie[4]. En 1994, la célèbre chanteuse Björk défilera à cette occasion pour le couturier. Grand afficionado de l’intime et du rapport à la peau, il explore également le tatouage sous toutes ses formes[5] et se plaît à imaginer des robes trompe l’œil[6] qui donnent l’illusion d’être nue par un jeu d’impression et de sequins. Ce modèle sera immortalisé par Naomi Campbell en version combi-pantalon, à travers l’objectif de Paolo Roversi. Dix ans plus tard, Gaël García Bernal le porte décliné en robe dans le film de Pedro Almodovar, la Mala Educación.
Caractérisé par une savante combinaison d'esthétiques et de sources d'inspirations, le prêt-à-porter ciglé JPG est résolument post-moderne. En septembre 2014, après 38 ans de création débordante, Jean Paul Gaultier annonce que sa maison arrête son activité de prêt-à-porter afin de se focaliser pleinement à la Haute-Couture. « C’était presque de la couture, un artisanat. Maintenant, il faut laisser place aux jeunes. »
Pauline Weber