Beyrouth, chronique d’une guerre civile

30 décembre 2013
En 1978, Depardon vient d’intégrer l’agence Magnum. Pour l’hebdomadaire allemand Stern, il part couvrir la guerre civile qui ravage alors le Liban. Chez lui, pas de sensationnalisme, mais une chronique sensible sur les marges d’un conflit.

Raymond Depardon, Beyrouth, Liban, 1978. 34 x 51 cm © Raymond Depardon / Magnum Photos





Une carcasse de voiture criblée de balles, un coiffeur pour hommes exposant au mur une kalachnikov, le portrait du leader phalangiste Pierre Gemayel trônant sur le balcon d’un immeuble abandonné, une famille bourgeoise réfugiée dans un abri de fortune, mais aussi jeunes mariés à la fête, vendeurs à la sauvette… Ce sont les traces de la guerre que Depardon piste durant l’été 78.



Il séjourne un mois dans le quartier chrétien d’Achrafieh, et sillonne, avec sa Golf, la ville d’est en ouest : « Les musulmans, les chrétiens, la ville, les plages : Beyrouth était une terre de contrastes à cette époque. J’ai appris à comprendre, à marcher, à circuler, à cacher mes laissez-passer dans mes chaussures, à ne pas me tromper – deux laissez-passer du côté chrétien et deux du côté musulman, à ne surtout pas confondre ». La peur ne le quitte pas : « Je prenais ma voiture, j’avançais, je me garais devant les combattants. Et là, j’entendais sauter le cran de sûreté de la M16 ou de la Kalachnikov (…) « Pas de photo !» J’expliquais que j’étais français, je montrais mon laissez-passer, j’essayais de discuter. Puis, quelques minutes après, j’entendais de nouveau le cran de sûreté. La balle était de nouveau engagée : au moindre faux-pas, elle pouvait partir ». Et de citer Henri Cartier-Bresson quant au rythme de prise de vue qu’exige le photojournalisme : « Il faut procéder comme le fait l’artillerie, tirer puis décrocher et partir ailleurs. Aller vite et choisir le bon moment ».



De ce reportage, Stern en fera 25 pages avant que Paris Match, à son tour, ne s’en empare. En 1991, répondant à l’invitation de la Fondation Hariri, il participe avec Burri, Basilico, Frank et Koudelka à la Mission photographique de Beyrouth, qui procède à un douloureux état des lieux avant que le centre ville, dévasté, ne soit rasé. Elle est loin l’ « oasis d’allégresse » qu’il décrivait lors de sa première visite en 1965. Là, tout n’est plus que désolation, cicatrices. Ce sont sans doute ces images du vide et de la ruine qui parlent le mieux de la capitale libanaise, livrée depuis à ses fantômes

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