Bill Viola : l'absence de parole

13 mai 2014
« Depuis le début, je suis préoccupé par la même chose : garder un contact avec cette partie de moi-même que j’appelle « la partie d’avant la parole », ce qui précède le discours », explique Bill Viola.

Bill Viola, Going Forth By Day (détail), 2002, « The Deluge » (panneau 3), installation vidéo sonore, cycle de cinq projections, 36 minutes, Collection Pinault, Photo Kira Perov

Ses vidéos, bien que dotées de son, sont dénuées de langage. La voix n’entre pas dans le champ de communication de l’artiste, tout simplement car elle serait excluante, et rendrait le sens trop figé. Sans voix, l’image reste iconique et ouvre à une sémiologie corporelle, celle des sensations plutôt que de la réflexion. Il nous fait revenir au stade de l’enfance, encore hors d’un système social établi, et fait prendre corps à notre conscience, la conscience de notre sensibilité. Le son, souvent primaire, voire primitif, nous pousse un peu plus dans cet état initial, un état de nature pas pour autant animal ou sauvage.



Mais l’homme qui ne parle pas n’est pas seulement l’homme qui nait : il peut aussi être celui qui meurt. Les sons utilisés dans les vidéos de Bill Viola peuvent aussi projeter le spectateur dans le chaos, la perte des repères et ainsi même troubler les séquences proposées : sans parole, l’espace-temps est distendu et plus difficile à appréhender, et c’est bien l’intention de l’artiste. Mais l’intensité émotionnelle des œuvres n’aurait de toutes façons que faire d’une explication de texte de celui-ci. Avec son art vidéo, Bill Viola a inventé un langage inédit, et nous offre de le déchiffrer, chacun différemment, avec nos grilles de lecture sensitives intimes.

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