Bohèmes musicales, variations

5 décembre 2012

Par Armelle Fémelat, historienne de l’art et journaliste pour Beaux Arts Magazine

Autant d’harmonies, de rythmes et de mélodies que de bohèmes

L’union entre bohèmes et musique est aussi féconde que celle avec la littérature et les arts visuels. La bohème musicale est d’abord celle des bohémiens, qualificatif qui recouvre différentes représentations dans l’imaginaire musical. Le vocable « musique bohémienne » amalgame en effet la musique du pays de Bohême à celle des Tsiganes. Qualifiée de « Conservatoire de l’Europe » au milieu du XVIIIe par le musicologue Charles Burney, la Bohême est considérée comme la nation des musiciens. Au XIXe, nombre de compositeurs puisent dans le répertoire traditionnel tchèque et hongrois à l’instar de Jean-Philippe Rameau, Franz Schubert, Johannes Brahms ou Franz Liszt. Ce dernier publie en 1853 le premier traité de musicologie à la gloire de la musique tsigane, Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie, dont il offre un exemplaire à Baudelaire en 1861.

Henri Lehmann, Portrait de Franz Liszt (1811-1886), compositeur et pianiste hongrois, Paris, Musée Carnavalet © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz

Peuple de musiciens, réputés gais et libres, les bohémiens sont une source d’inspiration intarissable d’opéras, de lieder et de ballets, comme La Traviata de Verdi (1853), les Lieder de Liszt et les Zigeunlieder de Brahms. Autre figure phare de cette mythologie, la bohémienne, qu’il s’agisse d’une vraie bohémienne -La Esmeralda de Louis Bertin (1836), L’Etoile du Nord de Giacomo Meyerbeer (1854), François Villon d’Edmond Membrée (1857), Carmen de Georges Bizet (1875), Kassya de Léo Delibes (1893)- ou d’une fausse -Mignon d’Ambroise Thomas (1866) et The Bohemian Girl de Michael Wiliam Balfe (1843).

Par ailleurs, la bohème inspire aussi nombre de compositeurs et de musiciens, parfois sur la base de leur expérience personnelle. Elle est un des thèmes favoris de l’opéra au XIXe, comme l’illustrent Le couronnement de la muse (1897), Louise (1900) et sa suite Julien (1913) de Gustave Charpentier, fondateur du Conservatoire Mimi Pinson à Montmartre. Mais ce sont deux opéras italiens directement inspirés de l’œuvre d’Henri Murger qui consacrent le terme et l’idée de bohème : La Bohème de Giacomo Puccini et celle de Ruggero Leoncavallo montées à un an d’intervalle (1896 et 1897) sur fond de concurrence, pour le plus grand bohneur de la presse à l’époque ! Les partitions originales de Puccini sont conservées, de même que les aquarelles originales d’Alfred Hohenstein figurant les décors et les costumes de la première mondiale au Teatro Regio de Turin (1 janvier 1896). Mitigé dans les premières années, le succès de cet opéra est venu progressivement. De nos jours, il fait partie des opéras les plus joués dans le monde. Il est aussi à l’origine de la comédie musicale rock Rent de Jonathan Larson (1996) transposée dans le Lower East Side de New York. Immense succès populaire joué à Brodway entre 1996 et 2008 et transposé en film en 2005. De la rengaine de Charles Aznavour de 1966 à l’album de jazz du pianiste Dave Burrell (La Vie de Bohème, 1969), la bohème n’a jamais cessé d’inspirer les auteurs-compositeurs.

Expérimentez une autre manière de découvrir l’exposition Bohèmes en écoutant, pendant votre visite, la bande-son proposée par Béatrice Ardisson sur un baladeur ou un smartphone. Pêle-mêle gipsy entre jazz manouche et balkan beats, musique classique et opéra, cet album vous invite à un voyage sonore dans une ambiance à la fois poétique et festive.

Album déjà disponible en téléchargement sur tinyurl.com/MusicsBohemes et

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Écoutez un extrait du CD :  

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