Carambolages : les secrets des œuvres - Listen to your eyes

22 mars 2016
L'exposition Carambolages rassemble 185 œuvres plus variées et originales les unes que les autres. Pour vous aider à les découvrir, le Grand Palais vous propose d'en mettre quelques unes en lumière tout au long de l'exposition...

Maurizio Nannucci, Listen to Your Eyes, 2010, installation à Villeneuve-d’Ascq, Paris, Centre national des arts plastiques

Carambolages : les secrets des œuvres - Listen to your eyes



L’installation de Maurizio Nannucci, qui se compose de cette courte injonction à destination de l’oreille de son spectateur, émet un paradoxe particulier. Il place l’individu qui le regarde dans une position inconfortable: le premier mot, qui invite l’auditeur à tendre l’oreille, le met vis-à-vis d’un phénomène oculaire, qui a priori, par définition, ne s’écoute pas. Cela intervient à trois niveaux de la pensée. Le premier est celui des possibilités de transgression du réel par l’écrit, mais aussi de mise en avant de cet écrit comme phénomène sortant de son propre champ d’action, initialement mental, pour glisser à la fois vers le visible et vers l’audible. Les origines de ce type de réflexions esthétiques se trouvent tant dans les Calligrammes d’Apollinaire que dans la poésie sonore d’Isidore Isou, et sont l’écho lointain des travaux de Saussure sur l’arbitraire du signe.



Le deuxième, par l’association de deux termes antithétiques, fait écho à la question de la synesthésie, si chère au surréalisme pour son caractère instinctif et sensible, et qui traverse le XXe siècle jusqu’à Fluxus, avec Nam June Paik et La Monte Young, l’un travaillant sur le rapport entre l’image et le son, l’autre sur la perception d’un environnement sonore manipulé, comme dans sa Dream House, où le son alors entendu est littéralement coloré par l’espace construit, qui se perçoit alors lui-même différemment par l’écoute simultanée du son qui y est diffusé.



Enfin, le troisième niveau de perception pousse le spectateur à tenter de matérialiser une action tout à fait impossible, et le mène à créer un espace qui lui est propre, invisible et inaudible, et toutefois mentalement existant. L’utilisation du néon n’est par ailleurs pas innocente. En premier lieu, la citation de Lucio Fontana, dont on connaît à la fois les installations éphémères en néon et les travaux visant à transgresser l’espace classique de la toile, inscrit Nannucci dans cette recherche spatiale. Mais cette utilisation du néon est aussi lourde de sens pour ellemême: la surface colorée du tube étant excitée par l’interaction du gaz et des rayons ultraviolets, eux-mêmes invisibles et perçus par l’oeil humain seulement par « l’écho » lumineux que produit alors l’objet, produit une véritable empreinte de cet espace. Ce dernier n’est ni tout à fait lumineux, ni tout à fait sonore: il se situe dans la mince frontière qui sépare encore le mental et l’imaginaire, nourris par l’exercice que nous invite à faire l’artiste, de la réalité, où sa concrétisation n’est – presque – pas existante.














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