Eau - Bill Viola

10 mars 2014
Au commencement était l’eau. Douces immersions, brusques plongées ou pluies torrentielles, l’eau est omniprésente dans l’œuvre de Bill Viola.

Visible dès ses premières vidéos dans les années 1970, l’élément fascine l’artiste qui, enfant, réchappe de peu à la noyade et raconte la beauté des rayons de lumière qui transperçaient l’eau tandis que son corps s’enfonçait vers le fond d’un lac. Ambivalente, l’eau semble alors aussi bien menaçante que créatrice. Le corps violemment immergé d’Ascension (2000) semble se dissoudre en un intense et sonore bouillonnement avant de se reformer comme régénéré.



La vidéo Three Women (2008), issue de la série des Transfigurations, dévoile elle-aussi une métamorphose par l’eau : trois femmes passent inlassablement de l’ombre à la lumière et du noir et blanc à la couleur par un écran d’eau qu’elles révèlent en le traversant. Dans de nombreuses cultures, l’eau symbolise un intermédiaire entre la vie et la mort. Pour l’écrivain sénégalais Birago Diop, qui inspira en partie à l’artiste ses Transfigurations, les défunts se tapissent dans les eaux ou le crépitement d’un feu.*



On ne sait ainsi jamais réellement si les êtres flottants dans The Dreamers (2013) sont morts ou paisiblement endormis. L’eau emporte les âmes. Une averse diluvienne enlève doucement le corps sans vie de Tristan (Tristan’s Ascension, 2005), tandis qu’à l’inverse c’est l’élévation d’une âme qui sera porteuse de pluie dans Going Forth By Day (2002). Dans cette même installation, un défunt embarque vers une autre rive, franchissant un moderne Styx. Dans Fire Woman (2005) qui fait pendant à Tristan’s Ascension, l’eau se mêle au feu pour évoquer les dernières visions d’un homme.



Chez Bill Viola, le feu n’est pas l’opposé de l’eau, mais plutôt un élément jumeau. Il peut être destructeur aussi bien que créateur à l’instar de Fire Birth, la première des cinq projections de Going Forth By Day, qui dévoile une naissance entre onde et flammes. L’eau est cet élément matriciel source de toute vie. « L’eau et la lumière sont les éléments qui définissent, à la naissance, notre entrée dans le monde » aime à rappeler l’artiste**. Porteuse de vie, elle est aussi un instrument de connaissance. C’est la surface miroitante de l’eau qui révèle la substance réelle, et la complexité technique, d’œuvres telles que The Reflecting Pool (1977) ou Surrender (2001).



*Birago Diop, Les Contes d'Amadou Koumba, 1947.  

**Bill Viola, « Transfigurations », in Bill Viola : Bodies of light,  New York, James Cohan Gallery, 2009, p.43.

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