Fantin-Latour : de l'excellence du portrait

2 novembre 2016

La Lecture (1870)
Henri Fantin-Latour, La Lecture, 1870, Lisbonne, fondation Calouste Gulbenkian

C’est avec cette toile énigmatique que l’on trouve pour la première fois dans l’œuvre d’Henri Fantin-Latour les portraits de Victoria et de Charlotte Dubourg : issues de la bonne société parisienne, respectivement peintre et professeur d’allemand, les deux sœurs jouent un rôle important dans la vie et dans l’œuvre de Fantin, dont elles sont bientôt l’épouse et la belle-sœur. Il les peint ici comme il peignait ses propres sœurs dix ans plus tôt, dans une composition soigneusement bâtie qui souligne une surprenante absence de communication entre les deux figures que tout semble opposer, y compris la gamme chromatique choisie par le peintre.



Tandis que Victoria lit, Charlotte, déjà coiffée, l’une des deux mains gantée, semble sur le point de sortir. L’une est absorbée par sa lecture, thème récurrent dans l’œuvre du jeune Fantin, l’autre adresse un regard franc au peintre et, à travers lui, au spectateur. Plus que celui de la future épouse du peintre, c’est ainsi le visage de Charlotte Dubourg qui attire l’attention. « Ce tableau parle, commente Zachary Astruc en 1870. On ne peut pousser plus loin la reproduction de la nature et se montrer un plus éloquent interprète des sentiments d’un milieu. La jeune fille blonde respire la vie ; son front pense, ses yeux regardent. Les têtes de Bellini n’ont pas une plus grande intensité d’existence.»



Si l’on peut voir ici, comme dans les tableaux des années 1850, la description picturale de la concentration et du silence, cette toile apparaît aussi et surtout comme le révélateur des sentiments secrets et des pensées profondes d’une jeune femme, dont l’on devine le besoin d’indépendance. Ce curieux tableau, fascinant à plus d’un égard, remporta un vif succès au Salon, ainsi qu’en témoigne l’échange épistolaire entre les sœurs Morisot : tandis que Berthe confie à sa sœur : «Ton ami Fantin a un vrai succès ; le portrait des demoiselles Dubourg est un vrai bijou », celle-ci répond : « Rien ne m’étonne moins que de savoir que Fantin a fait un chef-d’œuvre ; l’étude d’après nature et le genre intime lui vont mieux que tout le reste.»


Texte extrait du catalogue "Fantin-Latour. À fleur de peau",

en vente dans Les Boutiques de musées

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