Girodet

30 janvier 2008


Cette exposition, initiée par le Cleveland Museum of Art, a été co-organisée par le musée du Louvre et la Réunion des musées nationaux, Paris, en collaboration avec l’Art Institute of Chicago, le Metropolitan Museum of Art, New York, et le musée des Beaux-Arts de Montréal, avec le concours exceptionnel du musée Girodet, Montargis.

Cette exposition a bénéificé du soutien des American Friends of the Louvre.
En partenariat m édia avec
France Info, i>TELE et Zurban.

Anne-Louis Girodet a toujours dérangé. Son goût pour le bizarre, son érotisme ambigu, sa sophistication littéraire, les mystères qui l’entourent fascinaient ou déroutaient déjà de son vivant. La contribution de cet artiste, l’un des peintres les plus importants de l’école française, à l’histoire de la peinture se mesure pourtant avec celles de Jacques-Louis David, son maître, Jean-Auguste-Dominique Ingres ou Théodore Géricault. Le musée du Louvre lui rend hommage à travers une grande exposition monographique, la première d’envergure internationale consacrée à cet artiste encore méconnu.
Girodet a été redécouvert il y a bientôt quarante ans à l’occasion d’une exposition organisée à Montargis pour le bicentenaire de sa naissance (1967). Depuis cette date, notre regard a profondément changé. Un nombre important de thèses de doctorat, en particulier aux Etats-Unis, en Angleterre, en Italie, en France et en Allemagne, lui a été consacré. Une rétrospective organisée par le musée du Louvre était donc attendue.

Cette exposition réunit cent peintures et dessins, issus des collections du Louvre et de nombreux prêts de musées français, en particulier du musée Girodet de Montargis, et étrangers.



Elle sera présentée par la suite à Chicago, à New York et à Montréal.

  • Chicago, The Art Institute, du 11 février au 30 avril 2006 ;
  • New York, The Metropolitan Museum of Art, du 22 mai au 27 août 2006 ;
  • Montréal, Musée des Beaux-Arts de Montréal, du 12 octobre 2006 au 21 janvier 2007.

Cette exposition confirme le talent prodigieux de Girodet qui, plus que tout autre artiste du XVIIIe siècle finissant, a su tirer la peinture d’Histoire vers le spectacle des sentiments. Elle révèle également un dessinateur virtuose et sans rival, un portraitiste parfaitement au fait des théories psychologiques modernes de Rousseau ou de Lavater. Parmi les œuvres présentées figurent notamment Le Sommeil d’Endymion (1793), le Portrait de Jean-Baptiste Belley (1797), Ossian et ses guerriers (1801), Atala au tombeau (1808), le Portrait de Chateaubriand (1808), La Révolte du Caire (1810) - chefs-d'œuvre d’une période prodigieuse, dont l’apogée se produisit sous l’Empire, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes de cet opposant à l’autoritarisme napoléonien.



L’approche chronologique retenue pour l’exposition met particulièrement en valeur les ruptures et contrastes de l’art de Girodet, ainsi que l’importance du contexte historique de l’époque, marquée par la Révolution, l’exécution d’un roi, la naissance et le règne d’un empereur et in fine le retour des Bourbons sur le trône.



Girodet a créé un style qui lui est propre, mêlant le raffinement intellectuel à la sensualité. Pour nombre d’observateurs, il représente en peinture les prémices du romantisme français, incarné par Chateaubriand en littérature. La peinture de Girodet fut en quelque sorte le reflet de la société française, au moment où elle traversait une des périodes de transformations les plus fondamentales de son histoire. Pour autant, son art reste en décalage avec les événements politiques. Plutôt que de servir le civisme républicain ou le nationalisme impérial, ses tableaux les plus engagés cherchent paradoxalement à incarner un idéal esthétique repoussant les frontières qui séparent la poésie de la peinture.



Politiquement inclassable et contradictoire, enthousiaste et opportuniste, sexuellement énigmatique, Girodet est le type même du héros romantique, dont il fixe l’image dans le Portrait de Chateaubriand. Rebelle à la rigidité des catégories artistiques, son intérêt pour l’immatériel et le rêve, son goût pour la poésie et son classicisme excentrique lui font subtilement pervertir et métamorphoser l’enseignement de David. Son art séduisant et souvent étrange annonce les moments les plus littéraires de la peinture française, le symbolisme ou le surréalisme.

Cette exposition monographique, organisée en sections autour des tableaux majeurs et ponctuée de regroupements thématiques, suit globalement le parcours chronologique de l'artiste. Après le retour d'Italie, en 1795, la vie et l'œuvre de Girodet vont fusionner. Peintre perfectionniste, il consacre des années entières à chacun de ses tableaux, véritables tranches de vie témoignant de l'homme autant que de l’artiste. Les profondes différences qui marquent chacune de ses œuvres reflètent également les évolutions, les contrastes et les ruptures de cette existence prise dans les vents tourmentés de l'Histoire et de l’ambition. Fondamental, le contexte historique et social se trouve ainsi servi par la construction même de l'exposition.



Des œuvres emblématiques

La Révolte du Caire, tableau-clé de l’Empire, spectaculaire et saisissant, accueille les visiteurs dans la rotonde et impose d'emblée la virtuosité du peintre, la sensualité de ses figures, la complexité voire l'ambiguïté de son propos.

Longtemps, Girodet fut perçu comme un élève de Jacques-Louis David parmi les autres. L’un des propos de cette exposition est de faire émerger au grand jour la personnalité profondément originale de Girodet. Le mimétisme des premières années, véritable osmose entre le maître et l'élève, aboutit en effet à une rupture artistique, qui s’affirme dès son obtention du prix de Rome en 1789, avec Joseph se faisant reconnaître par ses frères. Dès lors, Girodet ne cessera d’affirmer sa singularité.

Le Sommeil d'Endymion, dernier tableau du XVIIIe siècle ou premier du XIXe siècle, est le manifeste de cette rupture, qui fait entrer le mystère, l’irrationnel et la sensualité dans l’art clair et civique de David. Quelques années plus tard, il fait de l'immatérialité le sujet de son tableau Ossian accueillant les héros français morts pour la Patrie dans le paradis d’Odin, tableau à propos duquel David stupéfait parlera de "personnages de cristal". Une Scène de déluge, œuvre "qu’il s’était commandée à lui-même", est une démonstration éclatante de son extraordinaire habileté à traiter la peinture d’Histoire. Ce tableau aux dimensions monumentales (4,41m x 3,41m) obtint, devant David, le premier prix du tableau d'Histoire lors des prix décennaux que Napoléon avait organisés en 1810. C’est Atala au tombeau qui a maintenu Girodet dans l’Histoire. Dès sa présentation au Salon de 1808, ce tableau, qui associait l’un des peintres les plus lettrés avec l’écrivain le plus pictural de l’époque, Chateaubriand, est entré dans la légende. Les dessins préparatoires de la Révolte du Caire, les dessins d’Ossian, les prodigieuses études académiques pour Une Scène de déluge ou les dessins finis auxquels Girodet accordait une importance aussi grande qu’aux tableaux d’Histoire, permettent d'appréhender son incomparable talent de dessinateur. Le dernier grand tableau présenté, Pygmalion et Galatée, exposé au Salon de 1819 conjointement au Radeau de la Méduse de Géricault, est un retour aux sources du beau idéal, dont il est en même temps le sublime chant du cygne.



Les rapprochements thématiques

Le parcours de l'exposition fait aussi une large place à des regroupements thématiques de tableaux, esquisses et dessins. "Les images de la grâce" rassemblent les saisons peintes pour le palais royal d'Aranjuez, celles du château de Compiègne et la Danaë de Leipzig, que Girodet représente comme une idole nue séduite par une pluie de fleurs. Le trouble érotique du narcissisme féminin, qui domine sa peinture autant que "l’homoérotisme", explose dans le portrait de Mademoiselle Lange en Danaë, cruelle vengeance d’artiste contre la société délétère des nouveaux riches du Directoire. Bien qu’il fut lui-même riche, la fortune de Girodet n’atteignait pas les hauteurs que lui prête la légende. Pour financer l’atelier qu’il avait acquis dans l’ancien couvent des Capucines, il consacre son talent à de nombreux portraits. Certains de ces portraits de commande, récemment réapparus, figurent dans l’exposition, à côté d’autres plus connus, dont les emblématiques Chateaubriand, Jean-Baptiste Belley, député noir de Saint-Domingue ou Jacques Cathelineau, général vendéen. L’intérêt qu’il porte à la figure humaine l’entraîne vers des enquêtes novatrices, notamment celles qu’il consacre aux physiques orientaux dans des études de têtes, devançant ainsi celles menées plus tard par Géricault et Delacroix. Il s’attache également à l’observation de l’enfance, que nul artiste avant lui n’évoqua avec tant de subtilité. Disciple de L’Emile, Girodet donne à voir, dans les trois portraits de Benoît-Agnès Trioson, une enfance intériorisée, mélancolique et rebelle. Enfin, une importante section de dessins présente les illustrations littéraires de textes antiques et classiques (poèmes d'Anacréon, Virgile, Racine), où s’affirme le plus complètement la fusion de la poésie et de la peinture, obsession qui a habité Girodet toute sa vie.

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