Glasgow, le rose et le gris

12 décembre 2013
Chef d’œuvre d’étrangeté, cette série commandée en 1980 par Michael Rand, directeur artistique du Sunday Times, ne sera finalement jamais publiée. Le magazine prive alors son public d’un reportage singulier, dont les scènes désertiques évoquent l’atmosphère décadente du Blow up d’Antonioni.

Raymond Depardon, Glasgow, Ecosse, 1980. 34 x 51 cm © Raymond Depardon / Magnum Photos



« Glasgow me semblait aux antipodes de ma photographie ». Et pourtant, elle lui a plutôt bien réussi. Depardon y séjourne à deux reprises, en juin et septembre 1980.



Très vite, il émet des doutes : « A Glasgow, il n’y avait pas de guerre… Que photographier alors ? ». L’urbanité désolée lui fournit la réponse. « Au centre, on trouve l’architecture Art Nouveau de Charles Rennie Mackintosh, et au-delà, les logements sociaux, de grands immeubles très sombres. Photographe du désert, ce noir m’a, il est vrai, semblé très photogénique. » Guidé par les enfants des rues, ses « premiers compagnons », il capture au Réflex l’essence de cette ville hostile où la grâce le dispute au sordide. Une ambivalence qui se traduit en image par un contraste dramatique entre le gris anthracite rongeant les trottoirs, les murs, jusqu’aux ciels lourds, et le rose tendre et régressif d’une robe vichy ou d’une bulle de chewing-gum.



Au sujet de cette lumière savamment électrique, Depardon avance une humble hypothèse : « Peut-être que les lumières du Nord sont plus faciles à photographier et que le fabricant Kodak équilibre et teste ses films en lumière du jour à Rochester, qui se trouve bien au nord de New York ». Toujours est-il qu’il livre là encore, en filigranes, une leçon de photographie. Soucieux de ne pas céder à la tentation du pittoresque, il veille à garder le dessus : « Glasgow est une ville très exotique. Le problème est alors de savoir comment éviter cet exotisme, ou, au contraire, en jouer. C’est toute la question de la modernité en photographie. »

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