Hergé : le succès et la tourmente

27 octobre 2016

Les Aventures de Tintin, L'étoile mystérieuse, Bleu de coloriage de la planche 5, 1942 © Hergé / Moulinsart 2016

A la fin des années trente alors que les troupes allemandes occupent la Belgique, Le Vingtième Siècle et avec lui Le Petit Vingtième disparaissent. Hergé n’a plus de journal où publier ses dessins.

On lui propose alors de travailler pour le quotidien bruxellois Le Soir, désireux de créer un supplément hebdomadaire pour la jeunesse. La publication des aventures de Tintin reprend d’abord dans le supplément Le Soir Jeunesse jusqu’en juillet 1941, puis directement dans Le Soir sous forme de strips quotidiens.



La collaboration d’Hergé avec Le Soir, et certains journaux de langue amande, tous inféodés à l’occupant lui vaudra d’être inquiété à la Libération.

Plusieurs fois arrêté en septembre 1944 pour être interrogé à propos de ses occupations professionnelles durant la guerre, il n’est officiellement blanchi qu’en mai 1946, avec l’obtention de son certificat de civisme.



Paradoxalement, la seconde guerre mondiale coïncide pour le dessinateur avec une période de succès : jamais le tirage de ses albums chez Casterman n’avait été aussi élevé ! Mais c’est avant tout l’époque de sa maturité graphique.

Poussé par son éditeur, mais toujours guidé par les principes de simplicité et de lisibilité qui sont les siens, Hergé adopte enfin la couleur dans L’Étoile mystérieuse. Il choisit des tons délicats, posés en aplats, sans ombres ni dégradés. Devant la masse de travail à fournir pour reconvertir ses albums noir et blanc en couleurs, il lui faut de l’aide : c’est alors qu’il rencontre Edgar Pierre Jacobs.



"Les premières parutions des Aventures de Tintin (et ce jusqu’au Sceptre d’Ottokar en 1939) furent structurées par l’encrage du trait noir, l’aplat encré et la trame grise de la photogravure. Pressé par son éditeur, Casterman, de passer à la couleur (pour des raisons commerciales évidentes), Hergé lui résista un temps avant de céder à contrecœur. Et pourtant, la première aventure de Tintin éditée en couleur, en 1942, est un chef-d’œuvre chromatique : les accords d’azur et d’ocre de L’Étoile mystérieuse vibrent selon un climat d’abord torride, puis glacial. Cet accord de bleu-brun clair étant celui-là même des grands peintres de la Renaissance depuis Giotto... Hergé coloriste débuta prudemment, comme un peintre classique, par la pastellisation de ce contraste parfait." 

Pierre Sterckx, « La couleur face à la beauté silencieuse du noir et blanc », dans L’Art d’Hergé, 2016


Première rencontre entre Tintin et Haddock, Le Crabe aux pinces d’or, page 15.© Hergé / Moulinsart 2016

Cette période est aussi placée sous le signe d’un nouveau personnage clé : le capitaine Haddock qui fait son entrée dans Le Crabe aux pinces d’or. Bourru au grand cœur, soupe au lait, maniant l’insulte comme un art nouveau, ce grand sentimental ne cessera de nous étonner par son indéfectible sens de l’amitié.

 
 

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