Hokusai et les Trente-six vues du mont Fuji
Le succès fut tel que l’éditeur en demanda immédiatement dix de plus à l’artiste. La nouveauté de la série résidait non pas tant dans le choix du motif, symbole absolu du Japon, mais dans le fait de traiter le paysage comme un genre à part entière, dans la variété des points de vue et l’introduction de la perspective linéaire occidentale. Certaines estampes s’inscrivent dans la plus pure tradition japonaise, avec sa vision frontale du mont occupant le premier plan. D’autres au contraire adoptent un point de vue avant-gardiste, comme dans la célèbre Grande vague au large de Kanagawa, où le Fuji apparaît au loin, minuscule, prêt à être englouti par la vague gigantesque, au creux de laquelle s’aventure une frêle embarcation.
De la même façon, si le paysage est le motif exclusif de la série, il n’en est pas le thème principal : ce qui préoccupe ici Hokusai est plus le rapport de l’homme à la nature, tour à tour protectrice ou menaçante. Il y décrit avec une tendresse particulière et une grande originalité les gens du peuple, artisans ou paysans, aux prises avec une nature qui les dépasse ou saisis dans leurs occupations quotidiennes. Autre innovation qui fit aussi le succès des Trente-six vues, l’emploi du bleu de Prusse introduit au Japon en 1820. Ce pigment importé par les Néerlandais offrait non seulement une grande stabilité mais d’infinies possibilités de nuances.
Fort de ce premier succès, Hokusai édita une nouvelle série : Cent vues du mont Fuji, publiées en trois volumes entre 1834 et 1840. La popularité de ces deux ensembles dépassa rapidement les frontières du Japon et exerça une influence considérable sur l’Europe, et plus particulièrement sur les peintres français comme Claude Monet ou Paul Gauguin.
Sylvie Blin