Joan Miró face à la montée des fascismes

28 novembre 2018
En écho aux crises financières, sociales et politiques qui secouent les années 1930, découvrez comment le grotesque et l'inquiétant apparaissent dans l'oeuvre de Miró.

Les années 1930 marquent le début d’une époque troublée. La guerre civile espagnole se profile. L’anxiété de Miró grandit et l’ancien univers magique et ludique cède la place au grotesque et vire au drame. Les couleurs s’assombrissent, les contrastes se font violents. L’humanité se désagrège tandis que l’artiste recourt au domaine poétique pour suggérer une possible évasion.

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Peinture (Escargot, femme, fleur, étoile), 1934, huile sur toile, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, 1992.

© Successió Miró / Adagp, Paris, 2018

Dans cette peinture de grand format réalisée en cette période de troubles, des lignes noires tracent des formes et des mots sur un fond sombre, coloré de nuances de vert et d’ocre. Des aplats blancs, noirs, rouges, jaunes et bruns remplissent ces formes. Des personnages grotesques en jaillissent verticalement. Les corps et les membres subissent une déformation. Chaque créature est dotée d’une tête, d’yeux, parfois de seins et de fesses. Quelques longs poils noirs suggèrent les chevelures. On identifie une large main blanche qui se dirige vers le bas du tableau. Ces êtres représentent une humanité qui se  métamorphose sous nos yeux. À cette composition, le peintre associe des mots qu’il écrit comme un poème. Il les relie entre eux par une longue ligne noire et courbe. Escargot, femme, fleur, étoile nomment ainsi son tableau.

 

L’oeuvre résulte de collages réalisés par Miró à partir de papiers journaux déchirés. « Je ne copiais pas les collages. Je les laissais juste me suggérer des formes » disait Miró. En effet, à la fin des années 1920, l’artiste semble vouloir renoncer à la peinture et déclare même son « assassinat ». Il expérimente alors de nouvelles voies d’expression. Cette composition a été créée au moment où Miró s’installe, principalement en raison de difficultés financières, dans sa maison natale à Barcelone. Ici, il n’abandonne pas vraiment la peinture mais la transforme. Les mots et les formes s’étirent à sa surface. Le mot « étoile » disposé sur deux registres semble se couper en deux pour devenir « et » et « toile ». Avec cette calligraphie, le message s’enrichit d’une interprétation poétique, inspirée de la langue des oiseaux.

 

Vous avez jusqu'au 4 février 2019 pour admirer cette oeuvre au Grand Palais dans l'exposition Miró

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