L’Arlésienne, modèle et bienfaitrice

3 septembre 2013
Rêvant d’un « grand atelier du Midi », Van Gogh s’installe à Arles en 1888. Sa première logeuse va lui inspirer plusieurs portraits.

L'Arlésienne (Mme Ginoux) de Van Gogh Vincent © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Gérard Blot



Lassé de Paris qu’il n’apprécie guère, Vincent Van Gogh quitte la capitale en février 1888. Son idée est de gagner Marseille, mais il s’arrête finalement à Arles et s’installe dans un premier temps au Café de la Gare, tenu par une certaine Madame Ginoux. À l’instar de Delacroix, qu’il vénère, parti au Maroc chercher de l’éblouissement de la couleur et de la lumière, Vincent Van Gogh espère trouver dans le Midi les réponses à ses recherches sur la couleur, dont il veut faire « une musique de tons ».



Il se confronte au paysage, mais n’abandonne pas pour autant le portrait, qui fait l’objet chez lui d’une préoccupation constante, au même titre que la couleur. Avec Madame Ginoux, il a, dit-il, « trouvé [son] Arlésienne ». Cet étrange portrait témoigne en effet des recherches picturales de l’artiste à cette époque : l’utilisation de couleurs pures, presque violentes, les harmonies grinçantes de jaune, de vert et de gris, les formes cernées de noir, la pâte épaisse où les touches s’entrecroisent résument bien les idées de Van Gogh. La peinture ne doit pas copier la réalité, mais exprimer l’émotion et la sensation ressenties devant la nature ou le modèle. La couleur prend chez lui une valeur suggestive, et ne s’embarrasse plus d’imitation. Comme l’affirmera plus tard Paul Klee, « L’art n’imite pas le visible, il rend visible ».



Le portrait n’est pas flatteur : il accentue même les traits fatigués et le teint gris du visage. Mais il n’en exprime que mieux la noblesse du modèle, sa profondeur presque méditative, et prend la valeur d’une véritable icône. Van Gogh a laissé plusieurs portraits de Madame Ginoux, et l’Arlésienne est toujours restée proche de l’artiste, allant jusqu’à s’occuper de lui lors de son hospitalisation, après l’altercation avec Gauguin. Cet incident aura mis fin au rêve de Van Gogh, qui voulait créer à Arles un « grand atelier du Midi », où les « copains » de Paris et les artistes du coin pourraient venir travailler, se ressourcer, échanger.



En mai 1889, il quitte Arles pour Saint-Rémy. Seul Signac, qui l’admire, vient lui rendre visite et reste ébloui par les tableaux du Hollandais. Il devient son meilleur défenseur et organise une première exposition de ses toiles en 1901 chez Bernheim, à Paris : Matisse, Derain, Vlaminck – les futurs Fauves – s’émerveillent à leur tour : « il faut peindre avec des cobalts purs, des vermillons purs, du véronèse pur ». L’empire de la couleur peut commencer.

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