Le café, point d’ancrage de la bohème

13 novembre 2012

Par Armelle Fémelat, historienne de l’art et journaliste pour Beaux Arts Magazine



C’est au café, lieu ouvert, que la bohème se vit et se crée



Emprunté à la culture orientale – qui en a fait un lieu essentiel de sociabilité et de création – en Europe, le café est devenu incontournable aux arts, aux lettres et aux idées dès la fin du XVIIIe.

Salle de lecture et d’écriture, lieu de réunion pour penser, rêver, discuter et même vendre, il est rapidement irremplaçable. Étroitement lié à la presse, à la politique, aux arts du spectacle et à la philosophie, il est au cœur de la bohème. Quartier général et laboratoire où s’élaborent les pensées les plus novatrices et les formes les plus avant-gardistes.



La bohème démocratise la « vie de café » et participe de son pittoresque. Le café bohème le plus célèbre est le Café Momus. Il sert de refuge et d’atelier aux artistes bohèmes, rapins, musiciens sans commandes et autres écrivains sans imprimeurs. Entre 1844 et 1849, il a son organe de presse, Le Corsaire, qui publie Baudelaire, Champfleury, Banville et Murger. Parues en feuilleton, les Scènes de la vie de bohème de Murger sont un triomphe qui clôt la fermeture du café en 1848. Le Café Momus et ses locataires impénitents y tiennent une place de choix et restent un mythe durable, pérénisé aussi dans La Bohème de Giacomo Puccini.



Autre lieu fréquenté par Murger, Baudelaire, Nadar, Champfleury : le Café de Madrid. Un des berceaux du Réalisme, comme la Brasserie Andler à la fin des années 1840, véritable annexe de l’atelier de Courbet, où il retrouve Baudelaire, Daumier, Duranty, Jules Vallès. Quant à Degas, il choisit le Café du Rat Mort, ouvert en 1870, comme Nadar, Jules Vallès à son retour d’exil, et Aristide Bruant qui y chante. C’est là aussi que Verlaine blesse Rimbaud d’un coup de couteau. Verlaine se saoule également avec son compagnon de misère Bibi-la-Purée au Caveau du Soleil d’Or, bouge souterrain où les poètes novices et les jeunes chansonniers font leur premier pas, et lieu de réunion de la revue La Plume.



Figure incontournable des cafés bohèmes, la fée verte : l’absinthe, ce breuvage mythique à la senteur puissante et à l’amertume extrême. Composée à partir de la plante aromatique du même nom qui pousse dans les terrains vagues, elle était prédestinée aux bohèmes qui en font leur boisson de prédilection. Emblématique de la bohème, y compris de ses travers, cette liqueur maléfique en a fait sombrer plus d’un. Nombre d’artistes l’ont représentée, comme une « figure » à part entière notamment Van Gogh avec Le Verre d’absinthe et sa carafe (1887) et Degas, L’absinthe (ca 1875).

 



 

Edgar Degas, Dans un café ou l'absinthe, vers 1875 -1876, Paris, musée d'Orsay © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Martine Beck-Coppola







   

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