Les communautés artistiques ou la survie par l'art
Dès la fin des années 1950, les villes haïtiennes, victimes de l'exode rural, tentent de faire face aux flux de nouveaux habitants en repoussant leurs enceintes, corrompues par le chaos urbain et la misère.
Dans ce contexte de précarité et d'exclusion, apparaissent des micro-formations portées par des artistes, qui transmettent à leur entourage force de vie et de création.
Organisées sur le modèle de la vieille communauté rurale et patriarcale lakou, ces groupements artistiques, aussi appelées villages culturels ou villages artistiques, se présentent comme des poches de résistance face à une réalité désenchantée.
Si elles partagent le but de transcender le chaos, chacune arbore néanmoins son originalité et sa singulière expression plastique.
Ainsi la communauté de Bel-Air et ses figures emblématiques, Pierrot Barra et David Boyer, réunit-elle de nombreux centres vaudous, qui maintiennent vivant des savoir-faire liés aux rituels sacrés. Non loin de Port-au-Prince, le village artistique de Noailles se fédère en 1953, autour de l'atelier du forgeron Georges Liautaud, avant de ne gagner stylistiquement en autonomie.
Là où ces deux communautés partagent la tendance du repli sur soi, celles de Grand-Rue et Rivière Froide donnent naissance à des démarches créatives parmi les plus radicales, et guident les recherches formelles de plusieurs générations d'artistes. Bâtie autour d'une décharge, à la fois artère principale de la capitale et communauté solidaire, Grand-Rue rassemble mécaniciens, ferronniers et de nombreux ateliers pour enfants.
Rivière Froide nait, quant à elle, sous l'impulsion du sculpteur Georges Laratte. Contemporain de ce village, Saint-Soleil apporte en 1972, l'expérience de la création thérapeutique autour des préoccupations indigénistes et de la réhabilitation de l'art haïtien. "Un lieu où l'on apprend à devenir soi-même."