L’esprit animal

3 mai 2012

Par Dimitri Beck, Polkamagazine.com

Il y a de la bestialité dans l’œuvre de Newton. Séduction, domination, soumission… tous les travers et les pulsions de la nature humaine sont scénarisés sur ses photos. En 1976, il réalise pour l’édition française de Vogue une série d’images qui fait scandale. Une femme au soutien-gorge noir, pantalon d’équitation, bottes à éperon, pose à quatre-pattes sur un lit, une selle de cheval de marque Hermès sur le dos. Elle jette un regard comme pour dire « Celui qui s’avisera de monter dessus n’aura qu’à bien se tenir ». Le patron de la célèbre marque française a failli avoir une attaque.
Newton est un des rares photographes à avoir bénéficié d’une telle carte blanche. Grâce à son audace, il a imposé sa signature, synonyme de provocation.
Newton photographie les êtres humains comme les animaux. Il cherche à réveiller la petite bête qui est en soi. La grosse bête même. A propos du portrait de Margaret Thatcher : « Sur mon image, elle a l’air d’un requin ».
La femme newtonienne n’est pas fragile. Redoutable, aguicheuse, elle se fait mante-religieuse. La regarder, c’est devenir sa proie. Dans les portraits et les scènes des photos de Newton, tout est puissance et violence. Un gros plan de main de femme montre des ongles longs comme des griffes. Jean-Marie Le Pen, arrogant, pose avec ses dobermans. Fred le taureau, massif, un anneau dans le nez, le regard noir et vide, nous fige derrière des barbelés qui deviennent si fragiles. Pour un sujet sur la joaillerie, des mains déchiquettent un poulet rôti. C’est seulement au deuxième coup d’œil que l’on remarque le précieux bracelet au poignet et l’imposant cabochon au doigt de la femme. Le cliché est cru. Le ton est direct. Comme souvent le sont les images de Newton. Directes comme prises sur le vif. Le photographe aime l’action. Au côté des femmes, les chevaux cabrent. Leurs muscles sont tendus. On les entend presque hennir. De plaisir ou en furie ? Peu importe, ce qui est sûr c’est que les femmes leur tiennent la bride. Il leur en faut plus pour les impressionner. Les hommes n’ont qu’à bien se tenir.

Saddle I, Aubriot, Vogue (1976, Paris) © Helmut Newton Estate
Saddle I, Aubriot, Vogue (1976, Paris) © Helmut Newton Estate

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