Lucien Clergue, les premiers albums

18 novembre 2015
Lucien Clergue (1934-2014) n’a pas vingt ans lorsque, en 1953, à la sortie d’une corrida à Arles, il présente ses premières photos à Pablo Picasso. Ce sera le point de départ de vingt ans d’amitié. C’est grâce à la découverte d’albums de travail, à la mort du photographe, que l’on peut comprendre la fulgurance et la noire poésie qui ont séduit Picasso et plus tard Jean Cocteau...

Vue de l’exposition 2, Lucien Clergue. Les premiers albums © Rmn-Grand Palais, Paris 2015 / Photo Mirco Magliocca



Les sept catalogues dont les échantillons de tissus ont été remplacés par des planches-contacts, présentent les thèmes les plus radicaux de Lucien Clergue : charognes, ruines, saltimbanques et pierrots mélancoliques, très vite, sa série sur les taureaux qui apporte un regard inédit sur la corrida, puis les premiers nus.Élevé par sa seule mère, qui le pousse à devenir violoniste, Lucien Clergue a dix ans lorsque les bombardements d’août 1944 détruisent leur maison. Sa mère tombera malade et décèdera peu de temps après.



Sa photographie se situe d’emblée dans le champ conceptuel, loin de la photographie humaniste française alors en cours. Son adolescence douloureuse et l’omniprésence de la mort transparaissent dans ses premières recherches. C’est plus tard, pour retenir ses camarades qui le trouvent trop dramatique, qu’il commence timidement à faire des nus. Puis les corps des femmes sur les plages de Camargue semblent surgir de l’eau avec une joie vitale inédite en photographie. Les visages sont absents, faisant place à des formes généreuses, sensuelles, libres. Ces photos, qui préfigurent la révolution sexuelle des années 1960-1970, lui procurent une très grande notoriété. Très tôt collectionné, il est un des rares français à exposer au Museum of Modern Art de New York dès 1961. À son retour il est convaincu qu’il faut créer une collection de photographies. En 1965, avec son ami d’enfance, Jean-Maurice Rouquette, conservateur du patrimoine arlésien, ils écrivent à quarante photographes qui leur donnent des tirages. C’est, au musée Réattu d’Arles, le socle de la première collection française de photographie contemporaine.



En 1969 les mêmes, associés au prix Goncourt Michel Tournier, créent les Rencontres internationales de la photographie. Suivie en 1982, avec l’aide de Maryse et Antoine Cordesse notamment, de la création à Arles de l’École nationale supérieure de la photographie par le président de la République François Mitterrand.

Si Lucien Clergue s’est propulsé au premier plan, c’est que sa soif de culture et de rencontre avec les artistes est insatiable. C’est ainsi que dans les années 1950, il découvre le guitariste gitan Manitas de Plata.



En 1979, il soutient une thèse devant Roland Barthes en ne soumettant que des photos. Le jury reconnaît dans le Langage des sables un assemblage qui fait sens autant que des mots.

Cette exposition raconte Lucien autant que Clergue à travers une nouvelle hiérarchie de l’oeuvre, des premiers albums au Langage des sables. Sa qualité de conteur ayant contribué à son succès, sa voix, enregistrée quelques mois avant sa mort, accompagne les visiteurs. Le Grand Palais donne sa juste place à cet artiste mondialement célèbre, premier photographe à entrer à l’Académie des beaux-arts en 2006.

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