Monumenta - L’installation totale

21 mai 2014
Installations, peintures, dessins… L’Étrange cité présente un condensé de l’art d’Ilya et Emilia Kabakov. Avant d’être reconnu pour ses installations dans la seconde moitié des années 80, c’est comme peintre qu’Ilya Kabakov s’est illustré.

lya et Emilia Kabakov, Etude pour Manas, dessin, Monumenta 2014 © Ilya et Emilia Kabakov / ADAGP, Paris 2014

Clandestinement tout d’abord car il ne fait pas partie du cénacle des artistes officiels reconnu par le régime soviétique. A la ville, il est donc illustrateur de livre pour enfants. Il garde de cette activité un sens de la narration et du rapport entre texte et image qui ne le quittera pas. Dès le début des années 1960, dans l’intimité de son atelier moscovite ou lors d’expositions aussi furtives que secrètes, l’artiste déploie dessins et peintures.



Plus tard dans les années 1970, ce sont les Albums dans lesquels une série d’images construit un récit flottant : des Albums qu’il montrait et commentait lui-même à ses visiteurs, tel un chef d’orchestre qui dirigerait sa partition. « L’atelier était considéré comme une scène, où chaque œuvre était vue en contexte, dans sa relation avec les autres œuvres. » (1) Le basculement vers l’installation est alors logique. D’autant qu’il n’y a pas de divorce entre installation et peinture pour l’artiste qui, s’il a délaissé un peu cette dernière durant les années 1990, mène désormais les deux de front. Mieux ses nombreux Albums lui servent de répertoire de motifs qu’il reprend alors en trois dimension dans les installations.

 

Mais ses installations sont aussi une réponse à sa sortie d’URSS et sa rencontre avec un nouveau contexte de création qui méconnaît la réalité de la vie soviétique. « A partir du moment où j’ai commencé à travailler en Occident, je me suis rendu compte que ce contexte était totalement inconnu des spectateurs, et incompréhensible pour eux. Le problème, pour moi, était de trouver le moyen de montrer et de faire comprendre ce contexte. » (2)



Kabakov plonge alors le spectateur dans des installations immersives qui reconfigurent complètement l’espace d’exposition. Il en parle comme des « installations totales » dans lesquelles dessin, texte, décor, lumière et musique peuvent se mêler en lointain écho à l’œuvre totale défendue par le compositeur Richard Wagner au XIXe siècle. Ces installations totales peuvent être présentées seules ou bien être juxtaposées comme c’est le cas de L’Etrange cité du Grand Palais. L’artiste en parle alors comme des matriochkas (3), ces poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres. L’Etrange cité s’offre comme une installation totale qui propose en ses allées de parcourir, dans une chronologie bouleversée, l’œuvre des Kabakov.

  1. Jean-Hubert Martin, « Kabakov témoin », Ilya Kabakov, Installation 1983-1995, Paris, Editions du Centre Georges Pompidou, 1995, p.12
  2.  « Le musée : temple ou décharge ? Ilya Kabakov, entretien avec Nadine Pouillon », Ilya Kabakov, Installation 1983-1995, Paris, Editions du Centre Georges Pompidou, 1995, p.20.
  3. Idem.

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