Naissance d'une exposition

1 juillet 2008



 

Parti pris

Pour raconter la vie de Marie-Antoinette, l’exposition déroule le fil d’une tragédie en trois actes.

Le premier acte est celui d'une vie déterminée. Née à Vienne, Marie-Antoinette grandit au sein d'une cour où le sentiment de la famille avait une dimension résolument politique. Les palais de Schönbrunn et de la Hofburg étaient des lieux régis par l'étiquette où les arts s'épanouissaient suivant le goût de l'impératrice Marie-Thérèse et de son époux.

La petite archiduchesse y grandit, apprenant à tenir son rang avec tout ce que cela entendait, familiarisant son œil à la beauté. Le jeu des alliances européennes la désigna bientôt comme l'épouse de l'héritier de la couronne de France et c'est en véritable « produit de cour » qu'elle arriva dans son nouveau pays.

Si les us et coutumes de Versailles étaient certes différents de ceux de Vienne, ils n'en étaient cependant pas si éloignés. L'enfant les apprit rapidement et s'appliqua, toujours étroitement conseillé par les lettres de sa mère et par son entourage à Versailles, à tenir à la perfection son rôle de dauphine. Le faste des cérémonies du mariage, l'amour qu'on lui témoigna et le soin que l'on prit à la faire connaître, comme les premières intrigues, ne permirent pas à Marie-Antoinette de revendiquer une quelconque indépendance. Tout juste fit-elle preuve de quelques enfantillages. Lorsqu'elle monta sur le trône, elle n'avait pas encore vingt ans. Nouvelle reine, elle dut avant tout donner un héritier au royaume et apprendre à mieux gérer son image.

Elisabeth Louise Vigée Le Brun livra en 1778 le premier portrait de la souveraine donnant entière satisfaction. La naissance tant espérée n'eut lieu qu'en 1781. Avant même ces événements s'était ouvert le deuxième acte.

Acte II. Reine de France, Marie-Antoinette n'entendit pas devenir une nouvelle Marie Leszczynska (épouse de Louis XV), souveraine effacée qui s'attacha à donner naissance et s'abîma dans la dévotion religieuse. Jeune et belle, légitimement elle chercha à manifester une certaine indépendance à l'égard du système de cour, elle désira faire des choix et prendre des décisions.

Ces choix, puisque la politique lui fut longtemps interdite, elle les prit dans le domaine des arts. Avec l'aide et le soutien de l'administration royale, et sous l'influence de ce qui se faisait à Paris, elle s'attacha à créer des intérieurs raffinés où elle témoigna de son attrait pour l'Orient (cher à sa mère) et de son goût pour la modernité.

Du Petit Trianon, dont elle reçut la jouissance peu après l'accession au trône de Louis XVI, elle fit un lieu des idées nouvelles. Non seulement Marie-Antoinette y manifesta son amour de la nature, mais elle s'y mit en scène, au sens propre comme au sens figuré, suivant ses propres règles. Lieu de la mode, lieu des fêtes et du théâtre, lieu des amis, Trianon permit à la souveraine d'être femme. Il lui permit d'être elle-même.

Cette liberté, cette autonomie à l'égard de la cour, Marie-Antoinette ne put la conserver. Le troisième acte sourdait au son du glas. Rapidement perçu par l'opinion publique comme le lieu des dépenses effrénées et des débauches, le Petit Trianon devint le Petit Vienne et le cercle de la reine fut perçu comme une assemblée d'oisifs et de profiteurs aux moeurs dissolus. En but à la calomnie, Marie-Antoinette dut affronter l'affaire du collier et tenta, avec l'appui de son administration, de répondre à la critique en diffusant de nouvelles images où elle se voulait avant tout une mère. Peine perdue, dans les esprits, elle était devenue Madame Déficit et un agent à la solde de l'Autriche.

Emportée par l'histoire et la force du destin, noyée sous le flot des libelles, des publications ordurières et des estampes satirique, la famille royale s'était engagée sur le chemin de l'échafaud.

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Scénographie

C’est à Robert Carsen qu’a été confiée la direction artistique de l’exposition. En homme d'opéra, il a aussitôt perçu la dimension théâtrale du synopsis élaboré par les commissaires. La scénographie soutient admirablement les thèmes de l'exposition.

Aux espaces dévolus à l'enfance autrichienne, à la dauphine de France et à la reine chargée d'enfanter, répondent ainsi l'enfilade des portes palatiales de Schönbrunn et de Versailles et les images des théâtres de cour de chacune de ces deux résidences. A l'exemple de la galerie du palais Spada à Rome, l'œil est trompé par la proximité de ces portes et leurs dimensions décroissantes. Il est aussi contraint, comme pour marquer le peu de liberté laissée à Marie-Antoinette dans son rôle officiel.

En revanche, lorsque la souveraine manifeste son goût personnel, l'espace se scinde en deux magnifiques scènes de théâtre, l’une diurne, l’autre nocturne, inspirées des œuvres de Châtelet décrivant les fabriques des jardins de Trianon. Ouvertes sur le ciel et la nature, abritant la beauté des œuvres les plus précieuses, ces salles n'en demeurent pas moins des décors qui masquent la réalité.

Toute autre, enfin, se veut l'ultime galerie de l'exposition. Avec son mur lame qui porte seul les œuvres ou les abrite, et qui réduit progressivement l'espace, elle conduit à l'ultime image de Marie-Antoinette, celle fixée par David avant l'échafaud.

Entre le beau dessin de Liotard décrivant une petite fille qui semble déjà consciente de sa destinée et le terrible croquis des derniers instants, toute une vie s'est écoulée. L'exposition n'a pour autre but que d'en souligner le caractère exceptionnel.

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