Niki de Saint Phalle : devenir artiste

16 septembre 2014
Comment la jeune Niki est-elle devenue une des artistes les plus importantes du XXè siècle? Retour sur la genèse d'une vocation artistique.


© 2014 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved / Photo : Laurent Condomina,

« Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme et fournissait une structure organique à ma vie sur laquelle j’avais prise. C’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon travail tout au long de ma vie et cela m’aidait à me sentir responsable de mon destin. Sans cela, je préfère ne pas penser à ce qui aurait pu m’arriver. »

(1)

 

Si elle évoque le jour où elle peint en rouge les feuilles de vigne des sexes des statues de son collège comme son premier geste artistique et engagé, jeune, Niki de Saint Phalle n’envisage pas d’être artiste. Quelques temps mannequin – elle fait la couverture de Life, Vogue, Harper’s Bazaar… – elle pense à une carrière de comédienne. Elle refuse d’ailleurs le rôle de la reine Guenièvre que lui propose Robert Bresson dans le film Lancelot du lac (2). Mais Niki dessine et peint.

Elle suit même quelques cours de peinture, auxquels elle ne se rend que deux fois préférant poursuivre son apprentissage seule, dans le salon familial alors qu’elle s’occupe de sa fille Laura, née en 1951. L’une de ses premières toiles, Mother and child, date de cette époque.

 

Niki est instable, victime de crises d’angoisse et d’insomnie. En 1953, on la diagnostique schizophrène et elle est internée six semaines à Nice. Ce n’est qu’après, alors que ressurgit le souvenir du viol commis par son père l’été de ses onze ans, qu’elle comprend l’origine de ses troubles. C’est dans ces moments d’intense crise que sa vocation naît. A l’hôpital, Niki peint. Elle réalise d’abord des collages avec des brindilles et des cailloux, puis peint avec le matériel que lui apportent des amis. Peindre l’apaise et lui permet de maîtriser ses angoisses, de les maintenir à distance.

A sa sortie, le ver est dans le fruit : Niki sera artiste. Les années qui suivent, elle voyage avec son mari, l’écrivain Harry Matthews. A Paris, elle va quotidiennement au Louvre et visite les galeries de la rive gauche où elle découvre Jean Dubuffet. Mais ce sont les visites du Parc Güell d’Antonio Gaudí à Barcelone en 1955 et celle du Palais idéal du Facteur Cheval à Hauterives en 1958 qui sont  les moments clé de cette période de formation.

L’univers fantastique et coloré de Gaudí dont elle retient l’usage de la mosaïque de céramique et de la ligne courbe et la folie architecturale déployée durant vingt-sept années par un facteur autodidacte qui amassait des pierres lors de ses tournées la bouleversent et font germer en elle les prémices d’une œuvre à venir. Niki travaille alors énormément et a sa première exposition en 1956, à Saint Gall en Suisse.

 

Mais une étape est encore nécessaire. En 1959, alors que Niki et Harry dînent avec les artistes Joan Mitchell et Jean Riopelle, la jeune femme lui assène : « Tu es donc l’une de ces femmes d’écrivain qui fait de la peinture. » (3) La phrase fait l’effet d’un électrochoc.

Pour être prise au sérieux et se consacrer pleinement à sa carrière, Niki s’impose un choix douloureux : elle part s’installer seule à Paris. Là-bas, au sein des ateliers d’artistes de l’impasse Ronsin où elle côtoie Jean Tinguely, Daniel Spoerri ou Constantin Brancusi, son travail se déploie et ne tarde pas à trouver une reconnaissance sur la scène artistique.

 


  1. Niki de Saint Phalle, Harry and Me. The Family Years, Zurich, Benteli, 2006, p.52.
  2. Le réalisateur ne tournera le film qu’une vingtaine d’années plus tard, en 1974, avec la fille de Niki, Laura Condominas, dans le rôle prévu pour sa mère.
  3. Niki de Saint Phalle, Harry and Me. The Family Years, Zurich, Benteli, 2006, p.115.





Mickaël Pierson, Historien d’art

       

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