Œuvre commentée de Velázquez : portrait de Pablo de Valladolid

21 mai 2015
Après La forge de Vulcain, découverte de l'œuvre de Diego Velázquez avec le célèbre portrait de Pablo de Valladolid.


Diego Velázquez, Portrait de Pablo de Valladolid, vers 1635, Madrid, Museo Nacional del Prado

Hommes de plaisir

Pablo de Valladolid était l’un des bouffons du roi. Chargés de divertir la Cour, ces « hommes de plaisir » (gentilhombres de placer) étaient très appréciés dans l’Espagne des Habsbourg, où nains et bouffons occupaient une place privilégiée. Philippe IV en posséda dès sa naissance et, durant son règne, ils devinrent plus nombreux au palais. Ingéniosité verbale, concours poétique, corridas parodiques, ils devaient amuser le roi et son entourage, ce pourquoi on leur laissait une grande liberté de ton. Ils échappaient ainsi à l’étiquette rigoureuse de la Cour, ce qui ne manqua pas d’attiser la haine de certains courtisans.

 

Pablo de Valladolid : un acteur

Certains bouffons « professionnels » étaient engagés sans même qu’ils présentent aucune infirmité physique ou mentale ; ils devaient alors jouer la folie. Pablo, qui ne semble pas souffrir d’un quelconque handicap, était très certainement l’un d’entre eux, sans doute un acteur. La toile fut d’ailleurs inventoriée sous le titre Cómico (acteur), ce qui semble confirmer cette thèse. Pablo entra au service de Philippe IV en 1632. Logé hors de l’Alcázar dès l’année suivante, il mourut en décembre 1648.

 

Un geste théâtral

Tel un gentilhomme, Pablo de Valladolid est vêtu d’un costume de velours noir surmonté d’une golilla, col blanc plat qui avait succédé à la fraise, dont le port avait été interdit par Philippe IV en 1623. Il se tient debout, drapé dans une cape comme l’étaient les fonctionnaires du palais. L’artiste a modifié certains éléments de sa composition, notamment la place de la jambe gauche. Pablo est montré dans une attitude déclamatoire, il tend son bras droit alors que de la main gauche il maintient sa cape contre sa poitrine.

 

Le fond disparaît…

Ni sol ni mur ni décor n’entourent le personnage. Seule l’ombre de ses jambes écartées est projetée sur le sol, par laquelle Velázquez produit un effet de perspective. Il s’agit sans doute là de sa recherche picturale la plus audacieuse.

Lors de son voyage à Madrid, Édouard Manet (1832-1883) a été fasciné par « cette œuvre splendide » dont « le fond disparaît, c’est de l’air qui entoure ce bonhomme tout habillé de noir et vivant ». À son retour en France, cette toile lui a notamment inspiré son Joueur de fifre (Paris, musée d’Orsay). Il est cependant regrettable qu’à la suite de négligences le tableau espagnol ait été endommagé et que le fond jadis ocre soit devenu gris.

 

La salle dite « des Bouffons »

Inventoriée pour la première fois en 1701 au palais du Buen Retiro, la toile avait certainement été commandée à l’artiste vers 1635. Elle devait orner avec cinq autres portraits la salle dite « des Bouffons », qui jouxtait l’appartement de la reine au Buen Retiro. Elle s’intégrait parfaitement dans ce palais de divertissement, haut lieu de représentations théâtrales.





Laetitia Perez

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