Joaillerie indienne

2 juin 2017
L’évolution de la joaillerie indienne depuis l’époque moghole (1526-1858) au règne des maharajahs durant la colonisation britannique (1858-1947) jusqu’aux créations contemporaines. 

Un véritable art de la joaillerie s’est développé en Inde depuis plusieurs siècles. Le contexte naturel s’y prêtait puisque le sous-sol de cette région d’Asie du Sud-Est est riche en pierres fines et précieuses.

 

En Inde, le bijou est bien plus qu’une simple parure. Chaque pierre possède une symbolique qui lui est propre. Ces joyaux marquent aussi le rang et l’origine géographique de la personne qui les possède. 

Bague. Inde du Nord, 1053 AH (1643-1644) (spinelle) ; vers 1900 (bague en or). © The Al Thani Collection. Photos: Prudence Cuming Associantes Ltd

1 - LE TRÉSOR MOGHOL

Bague sertie d’un spinelle de Shah Jahan


Cette bague est ornée d’une pierre fine appelée spinelle. Ces pierres sont très appréciées des empereurs moghols pour leur couleur rouge qui symbolise le pouvoir impérial.

La dynastie des Moghols régne sur l’Inde durant trois siècles, entre 1526 et 1858. Les Moghols ont pour coutume de faire graver les plus beaux spinelles aux noms de leurs souverains. Cette bague porte le nom de l’empereur Shah Jahan, connu pour la construction du Taj Mahal. Elle servait probablement de sceau, c’est-à-dire qu’elle permettait à l’empereur de laisser son empreinte sur un document pour garantir son authenticité.

 

Diamant. Inde, vers 1760 ; retaillé en 1959 et 2011. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

L’Arcot II, Diamant

Ce diamant a été trouvé près de la ville fortifiée de Golconde, située dans le centre de l’Inde. Jusqu’au XVIIIe siècle, les mines de Golconde sont, avec celles de Bornéo, les seules au monde à approvisionner le marché aux diamants.

 

Le Arcot II doit son nom à la ville d'Arcot dont Muhammad Ali Wallajah est le Nawab. En 1761, il offre le précieux joyau à la reine Charlotte II d’Angleterre. Par ce présent, il témoigne de sa fidélité à la couronne britannique.

 

Dague. Inde du Nord ou Deccan, XVIIe. 
Poignée: jade
 ; Lame: acier ; Fourreau: bois, textile, or, cordon
. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd


2 - JADES ET OBJETS EN CRISTAL DE ROCHE

Dague 

Ce court poignard s’appelle une dague. Son manche est fait de jade.

Les manches des poignards empruntent souvent leurs formes au monde animal. Ce lion à l’allure fière rappelle le thème de la chasse, une activité très appréciée des souverains en Inde. 

 

Chasse-mouche. Inde du Nord, 1750-1760. Agate rubanée, cornaline, sardoine, rubis, émeraudes, perles, or, argent doré ; queue de yak moderne. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

Chasse-mouche

Chez les moghols, le chasse-mouche ne sert pas uniquement à chasser les insectes trop insistants. C’est aussi un symbole de pouvoir attribué au roi. Le manche de ce chasse mouche est taillé dans un matériau noble : une agate. On reconnait cette pierre à l’alternance d’anneaux sombres et clairs. Le manche est complété d’une touffe de crin en queue de yak.

 

Boîte de Tipu Sultan. Mysore, 1780-90. Or. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

3 - OBJETS EN OR ET EN ÉMAIL

Boîte de Tipu Sultan

Cette boîte en or appartenait au sultan Tipû Sâhib. Il était surnommé le «Tigre de Mysore» en raison de son opposition à la colonisation britannique. Vingt chiffres ornent chacune de ses faces triangulaires mais leur signification demeure une énigme. Ils ne semblent pas s’organiser en suite logique mais pourraient faire référence à des calculs mathématiques anciens. Ce mystère reste à éclaircir. 

Pendant. Inde du Sud, 1775-1825. Or, diamants, rubis, émeraudes, perles, laque. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

Pendant oiseau

Cet ornement en forme d’oiseau, d’à peine trois centimètres de long, proviendrait d’une bague ou d’un bâton de commandement. Les pierres sont serties selon une technique typiquement indienne appelée kundan.

Bracelet pour le haut du bras

Bracelet. Hyderabad, 1775-1825. Or, argent, diamants. Revers émaillé. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

Les moghols aimaient particulièrement cette forme de bracelet en trois parties qui se porte sur le haut du bras. Celui-ci provient du trésor des Nizams (souverains indiens) de la ville de Hyderabad. Ses joyaux furent miraculeusement conservés et permettent aujourd’hui de documenter les bijoux de la parure royale.

Émail : Le revers de ce bracelet est émaillé d’un décor de fleurs rouges. L’art de l’émail apparaît en Inde à partir du XVIe siècle. Cette technique consiste à graver des cavités dans la structure et à les remplir d’une poudre colorée. Cette poudre est un mélange de matières vitreuse et d’oxydes métalliques. Puis, la pièce est cuite afin que l’émail fonde et se fixe au support. 

Épée. Hyderabad, 1880-1900. Lame : acier. Poignée : or, argent, diamants, rubis, émeraudes. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

4 - REGALIA ET PARURES ROYALES

Épée d'apparat du Nizam de Hyderabad

L’épée est l’emblème de la royauté par excellence. Elle fait partie des regalia. C’est un symbole si puissant qu’elle peut remplacer la présence du monarque sur son trône. Au cours des cérémonies d’investiture, la transmission de l’épée marque la passation du pouvoir de l’ancien au nouveau souverain.



Richement décorée de diamants, de rubis et d’émeraudes, celle-ci appartenait au Nizam de Hyderabad, un royaume situé dans le centre de l’Inde où hindous et musulmans cohabitaient. 

 

Ornement de turban. Inde, 1907 ; modifié vers 1935. Or blanc, diamants. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

Topi et sehra

Le sehra est un voile qui faisait partie de la tenue du marié, en Inde, au Pakistan et au Bangladesh. Il était autrefois composé de guirlandes de fleurs cachant le visage du futur époux pour le protéger du mauvais œil. À partir de l’époque moghole, les fleurs sont remplacées par des perles et des pierres précieuses.

Le sehra est traditionnellement fixé sur une coiffe appelée topi. Celui-ci est richement brodé et orné d’émeraudes ainsi que de rubis.

 

Ornement de turban. Inde, 1907 ; modifié vers 1935. Or blanc, diamants. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

Ornement de turban en diamants

À partir du milieu du XIXe siècle, le pouvoir des maharajahs s'affaiblit. Mais, grâce à leur immense richesse, ils commandent toujours de nombreux bijoux. Ils confient les joyaux héritées de leur famille à des joailliers européens pour les adapter à la nouvelle mode.

 

Cet ornement de turban en diamants est complété d’une aigrette en plumes. Il fut commandé par le maharajah de Nawanagar. Bien que ce bijou soit inspiré du style européen, il aurait été réalisé dans un atelier indien.



 

Aigrette paon. Mellerio dits Meller Paris, 1905. Or, platine, diamants ; fond émaillé. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

5 - CARTIER ET LES GRANDS JOAILLIERS

Aigrette paon 

Au début du XXe siècle, l’Orient fascine l'Occident par son exotisme. L’Inde, alors sous domination britannique, intensifie ses échanges avec l'Europe. C'est à cette époque que le maharajah de Kapurthala rencontre la danseuse espagnole Anita Delgado. Il choisit de lui offrir cette aigrette pour leur mariage, en 1908. Ce couple deviendra mythique.

 

Le paon est un emblème du bijoutier parisien Mellerio. Cette forme est inspirée du mouvement Art Nouveau. Pour imiter les plumes du paon, le bijou est émaillé de bleu et de vert.

Broche. France (?), vers 1910. Platine, émeraude, diamants. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

 

Broche en émeraude

Ce croissant de lune est taillé dans une pierre verte appelée émeraude. Les indiens pensaient que cette pierre précieuse avait des pouvoirs protecteurs et ils l’utilisaient comme talisman.

 

Cette émeraude est offerte par le maharajah de Kapurthala à son épouse Anita Delgado dans les années 1910. La jeune femme l'avait repérée sur l’un des éléphants du maharajah, au cours d’une cérémonie. Son époux décide de lui en faire cadeau une fois qu’elle eut appris l’urdu, une langue parlée dans le nord de l’Inde.

 

Collier de la maharani de Patiala. Cartier Paris, 1931; restauré par Cartier Tradition, Genève, 2012. Rubis, diamants, perles ; monture en platine. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

Collier ras-de-cou en rubis



Le maharajah de Patiala était fasciné par l’Europe. En 1925, il confie au bijoutier Cartier plusieurs milliers de pierres précieuses afin de réaliser des bijoux alliant tradition indienne et style Art Déco. Six ans plus tard, Cartier imagine pour la maharani ce collier ras-de-cou en rubis. Cette incroyable commande rendit Cartier célèbre auprès des princes indiens.

 

L’Œil du Tigre. Cartier Londres, 1937. Platine, diamants. © The Al Thani Collection. Photo : Laziz Hamani

 

Ornement de turban L’Œil du Tigre


Pour créer cet ornement, Cartier s’est inspiré de la forme de l’aigrette en plume. Il a utilisé des diamants taille baguette (rectangulaires) qui font sa marque de fabrique. Le maharajah de Nawanagar portait ce bijou sur son turban avec de véritables plumes.

 Un gros diamant de 21 carats brille au centre. Il est surnommé L’Œil du tigre car sa couleur d’un brun doré rappelle le regard du félin.

Collier. JAR, Paris, 2014. Perles, diamants, or. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

6 - LA CRÉATION CONTEMPORAINE

Collier de perles

De nos jours, de nombreux créateurs s’inspirent encore des joyaux indiens. Cette parure est l’œuvre du bijoutier Joël Arthur Rosenthal, plus connu sous ses initiales JAR. Passionné de bijoux anciens, il est l’un des premiers à réutiliser les pierres dures et semi-précieuses alors délaissées des grands joailliers. Son style mêle références au passé et techniques actuelles.

Ce collier contemporain est composé de dix rangs de perles fines. Une perle en forme de goutte ferme le collier dans le dos. Sa forme rappelle les parures des maharajahs.

 

Boucles d’oreille. JAR, Paris, 2012. Perles, diamants, or. © The Al Thani Collection. Photos : Prudence Cuming Associantes Ltd

Boucles d'oreille en perles

Cette paire de boucles d’oreille du bijoutier JAR est parfaitement assortie au collier de perles du même créateur. Une cascade de perles fines ruisselle d’une monture en or. Au plus près du visage brillent deux diamants taillés en poire.

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