Qui sont les Nabis ?

7 février 2019
À Paris, alors que fleurissent le symbolisme ainsi que les réactions au naturalisme des Impressionnistes, se forme vers 1888 un groupe aux contours parfois flous et à l’histoire courte d’une décennie : les Nabis. Découvrez qui ils étaient !

Un premier noyau s’est organisé sur les bancs de l’Académie Julian, école d’art privée des Grands Boulevards, autour de la figure de Paul Sérusier (1864-1927). À la faveur d’un séjour à Pont-Aven à l’été 1888, celui-ci peint un petit panneau sur les indications de Paul Gauguin (1848-1903) : Le Talisman.

De retour à l’automne, Sérusier le montre à ses amis de l’atelier, Pierre Bonnard (1867-1947), Maurice Denis (1870-1943), Henri-Gabriel Ibels (1867-1936) et Paul-Élie Ranson (1861-1909), fascinés et séduits. Ce Talisman, exécuté selon les principes du synthétisme de Gauguin (couleurs posées en aplat, formes cernées et schématisées, rejet du détail), fait rapidement office de programme, ainsi résumé par Denis dans un article resté célèbre : « Se rappeler qu’un tableau – avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote – est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. »

Mais ces jeunes gens connaissent encore très mal Paul Gauguin et la découverte de son travail au Café Volpini (dans l’enceinte de l’Exposition universelle de 1889), et de celui de quelques autres comme Émile Bernard, constituera une étape importante dans la genèse du groupe : « Quel éblouissement d’abord, et ensuite quelle révélation ! Au lieu de fenêtres ouvertes sur la nature, comme les tableaux des impressionnistes, c’étaient des surfaces lourdement décoratives, puissamment coloriées et cernées d’un trait brutal, cloisonnées [...]. Nous retrouvions, dans ces œuvres insolites, l’influence de l’estampe japonaise, de l’image d’Épinal, de la peinture d’enseigne, de la stylisation romane. »

Nos quelques artistes – Bonnard, Denis, Ibels, Sérusier et Ranson –, majoritairement issus de milieux aisés, se désignent désormais sous le nom de « nabi », terme emprunté à l’hébreu biblique et qui signifie prophète. Tantôt potaches, tantôt grisés d’une spiritualité exaltée, ils se retrouvent chaque semaine, inventent des rituels et usent entre eux d’un langage ésotérique. Est nabi qui participe aux réunions ou, pour ceux établis à l’étranger, aux échanges : dès 1890, Ker-Xavier Roussel (1867-1944) et Édouard Vuillard (1868-1940) gonflent les rangs du mouvement, suivis ensuite de Jan Verkade (1868-1946), Georges Lacombe (1868-1916), Félix Vallotton (1865-1925), ou, un peu plus tardivement, de Jozsef Rippl-Ronai (1861-1927) et d’Aristide Maillol (1861-1944).

Affiche_Nabis_2019.pngÀ la manière des sociétés secrètes, ils se donnent des sobriquets : Bonnard, pour son goût des estampes japonaises, est surnommé le « nabi très japonard », Denis, grand amateur des Primitifs italiens, le « nabi aux belles icônes », Vuillard, frais émoulu de l’armée, le « nabi zouave », Sérusier, pour sa pilosité rousse, le « nabi à la barbe rutilante », etc.

Contre l’académisme et l’imitation illusionniste du réel, ces oracles singuliers n’ont pour autre ambition que de régénérer la peinture au moyen de la simplification formelle et d’un vocabulaire ornemental, certains férus de théories et quelquefois animés d’un catholicisme puissant (Denis, Verkade), d’autres plus libéraux, davantage intéressés par la psychologie de l’époque (Bonnard, Vuillard, Vallotton). S’ils sont attachés dans une certaine mesure au tableau de chevalet, ils investissent, et cela est original, les intérieurs : ils réalisent donc des décors mais aussi des estampes et des objets d’art tels que des céramiques, des éventails, des paravents, des vitraux, des tapisseries, du papier peint, des abat-jours ou du mobilier. Sensibles à l’idée de diffusion des arts, ils entendent par cette approche novatrice imprimer leur marque dans la vie de leurs contemporains.

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