Trois questions autour de l'exposition Toulouse-Lautrec

17 septembre 2019
Préparez-vous à une exposition exceptionnelle qui montrera de quelle manière cet aristocrate du Languedoc, soucieux de réussir, a imposé son regard lucide, grave et drôle au Paris des années 1890.

Stéphane Guégan, conseiller scientifique auprès de la Présidence des musées d'Orsay et de l'Orangerie et Danièle Devynck, conservateur en chef du Patrimoine, directrice du musée Toulouse-Lautrec à Albi, tous deux commissaires de l'exposition qui ouvrira ses portes le 9 octobre au Grand Palais, ont répondu à trois de nos questions au sujet de l'exposition. 

 

En quoi l'exposition Toulouse-Lautrec de 2019 diffère de la précédente qui s’était également tenue au Grand Palais en 1992 ?

DD: En 1992, l’exposition était une rétrospective et la première de cette envergure. Le propos était d’être le plus complet sur l’œuvre de l’artiste et de l’inscrire dans son époque. La nouvelle exposition du Grand Palais vise à montrer ce que Toulouse-Lautrec amène de nouveauté dans l’esthétique de la fin du XIXe siècle. Son milieu social d’une part, son environnement culturel et les gens qu’il côtoie sont les cercles de la vie intellectuelle de son époque. Le parcours débute chronologiquement avec les premières années de formation. Puis, suivront plusieurs sections thématiques. Une première est consacrée au portrait d’homme. Ensuite, il y aura une approche sur la vie moderne et l’écho particulier qu’en donne Lautrec au travers de l’affiche. Il est sensible aussi à la vitesse et à tout ce qui est technique.

L’exposition présentera quelques points forts sur les femmes au sens large, pas seulement les prostituées. Lautrec porte un regard amoureux sur les femmes, sans misogynie, parfois avec tendresse et toujours avec respect.

Un certain nombre d’œuvres de Lautrec manifestent un sens du mouvement et un intérêt pour la vitesse. Peut-on considérer ce peintre comme précurseur de mouvements d’avant-garde du 20e siècle, comme le futurisme ?

Toulouse-Lautrec, La Roue
Toulouse-Lautrec, La Roue, 1893 © Museu de arte de Sao Paulo / Photo João Musa

SG: Absolument. Le jeune Kupka, le futur peintre du mouvement et du vertige cosmique, est venu le consulter au milieu des années 1890, car Lautrec était perçu comme l’homme qui avait brisé l’immobilité de l’image. La durée et la vitesse le captivent. Les cavaliers et les chevaux sont ses sujets dès le début de sa carrière. Il s’intéresse au galop, aux formes qui jaillissent, à l’action et au côté centaure des cavaliers. Vers 1887-88, cet attrait éclate dans le Cirque Fernando de Chicago et culmine avec le monde des danseuses. Le panneau de la danse exotique de la Goulue s’organise autour d’un effet cinétique grâce au jeu graphique qui suggère le mouvement en train de s’accomplir sous nos yeux. La Roue, du musée de Sao Paulo, porte bien son nom ; son goût du vélo et de l’automobile annonce Picabia, le futurisme et le Kupka le plus dynamique. Autre point fort du parcours, c’est le moment Loïe Fuller. Lautrec a presque imaginé en voyant le spectacle de la danseuse américaine ce que donnerait sa traduction filmique. Dans l’exposition nous combinons les films devenus célèbres de Loïe Fuller et une série d’estampes de Lautrec, que nous accrochons à la manière de photogrammes.



Quelle pensée voulez-vous partager avec les visiteurs de cette exposition du Grand Palais ?

Affiche La Goulue, Toulouse-Lautrec
Toulouse-Lautrec, Moulin Rouge. La Goulue, lithographie

© Richard Pelletier, Ville de Chaumont / le Signe, Centre national du graphisme

DD : J’aimerais que les visiteurs comprennent la richesse de l’art de Toulouse-Lautrec, bien au-delà des images du Moulin Rouge, même si ces images le libèrent de la peinture académique. Son regard naturaliste est élégant et son esthétique de l’inachevé est aisément perceptible pour la sensibilité de chacun aujourd’hui, ce qui n’était évidemment pas le cas pour ses contemporains.

SG : Toulouse-Lautrec a su accomplir son ambition de succéder à Degas et Manet, deux artistes qu’il cite dans sa correspondance. C’est à dire d’être le nouveau peintre de la vie moderne, vécue.

 

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