Italia Nova

Une aventure de l'art italien, 1900-1950

Du 5 avril 2006 Au 3 juillet 2006
Grand Palais, Galeries nationales
Description

{Co-produite par la Réunion des musées nationaux et le MART (musée d'Art moderne et contemporain de Trente et de Rovereto) sous la direction scientifique de Gabriella Belli, directrice du MART, l'exposition a été conçue en collaboration avec trois grands musées italiens : le musée communal de Milan, la Galerie d'Art moderne de Turin et la Galerie nationale d'Art moderne de Rome et sous l'égide d'un comité scientifique international – dont font partie Pier Giovanni Castagnoli, Maria Vittoria Clarelli, Guy Cogeval, Alessandra Mottola Molfino, Ester Coen, Flavio Fergonzi, Daniela Fonti, Mercedes Garberi, Claudia Gian Ferrari, Maria Stella Margozzi, Paolo Rusconi, Nico Stringa, Livia Velani et Pia Vivarelli.}

{En partenariat média avec }Le Figaroscope, France Inter,{ et }LCI{.}

Portant sur la peinture et la sculpture italiennes durant la première moitié du XXe siècle, l'exposition{ Italia Nova} permet de découvrir ou redécouvrir tout un pan (encore largement méconnu en France) de l'art européen de cette époque. On peut noter que cette exposition vient à son heure, après {Mélancolie. Génie et folie en Occident}, où les visiteurs pouvaient admirer deux oeuvres de De Chirico et une de Sironi, et au moment où l'on célèbre le centenaire de la mort de Cézanne, qui eut une si grande importance pour de nombreux artistes des avant-gardes italiennes (De Chirico et Morandi notamment).


Les quelque cent vingt oeuvres présentées mettent en lumière tous les courants artistiques italiens les plus significatifs : le Futurisme, la Peinture métaphysique, le Réalisme magique et le mouvement Novecento, ainsi que les créations plus conceptuelles des années 50. A côté d'oeuvres célèbres de De Chirico, Morandi, Fontana ou Burri, le visiteur peut admirer des tableaux et des sculptures d'artistes beaucoup plus rarement exposés en France : Balla, Boccioni, Carrà, Casorati, Campigli, Depero, Martini, Prampolini, Severini, Sironi, Savinio, … Un hommage particulier est rendu à Morandi.

Au cours de la première moitié du XXe siècle, l'Italie joue un rôle éminent dans la vie artistique européenne, grâce au caractère très novateur du Futurisme, mais aussi par ce qu'il va apporter d'absolument original à la redécouverte de cette " mesure classique " qui va avoir lieu un peu partout en Europe après les expérimentations des premières avant-gardes historiques. L'exposition confronte et interroge les deux points extrêmes des recherches artistiques poursuivies alors en Italie : d'une part, le rejet de la tradition par les futuristes; d'autre part, le retour à certaines formes classiques.

 

L'exposition s'ouvre sur un tableau de Balla de 1904, {Elisa à la porte} : la jeune femme invite à entrer dans le siècle nouveau … La modernité de cette oeuvre marque déjà, dans son audacieuse découpe photographique, le dépassement du réalisme et du symbolisme qui dominent les arts en Italie à la fin du XIXe siècle. Dans la même salle, un tableau peint en 1909 par Boccioni,{Usines à Porta} {Romana}, témoigne d'un esprit nouveau, qui anticipe de quelques mois les théories du Futurisme (le {Manifeste des Peintres futuristes }date du 11 février 1910) et synthétise les aspirations qui animent alors les peintres italiens de la nouvelle génération. Il s'agit pour eux de rompre avec la tradition picturale de la fin du XIXe siècle et de faire apparaître une modernité entendue d'abord comme changement et innovation.

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Le Futurisme

Une rigoureuse sélection de tableaux dresse un panorama complet du mouvement futuriste depuis ses débuts jusqu'aux années 20. C'est à Paris, en 1909, à la une du{ Figaro}, que l'écrivain et poète Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944) publie le {Manifeste du Futurisme}, auquel de très nombreux artistes adhèrent aussitôt, notamment Umberto Boccioni (1882-1916), Giacomo Balla (1871-1958), Carlo Carrà (1881-1966), Luigi Russolo (1885-1947) et Gino Severini (1883-1966). Après la mort prématurée de Boccioni, qui, pour les arts plastiques, fut le principal théoricien du mouvement, Balla, Fortunato Depero (1892-1960)  - qui travailla pour les Ballets russes de Diaghilev - et Enrico Prampolini (1894-1956) poursuivent le rêve de la {Reconstruction futuriste de l'univers}.

Plus qu'un courant artistique {stricto sensu, } le Futurisme fut une véritable esthétique générale, presque un mode de vie, et le symbole de l'Italie moderne. Touchant tous les arts, la peinture, la sculpture, l'architecture, le design, le graphisme, la mode vestimentaire, il les mit au service d'une vision de " l'oeuvre d'art totale ", en s'attachant particulièrement à l'analyse et à la restitution du mouvement, de la dynamique des volumes, de la vitesse et de la propulsion.

 

La mesure classique : Giorgio de Chirico et la Peinture métaphysique

Au cours des premiers mois de l'année 1911, Giorgio de Chirico (1888-1978) peint un autoportrait au visage mélancolique, {Et quid amabo nisi quod} {aenigma est ? }Le séjour qu'il fait à Paris, entre 1911 et 1915, avec son frère Alberto Savinio (1891-1952), leur permet d'entrer en relation avec le milieu artistique international. De Chirico y est soutenu par Apollinaire et par le marchand et collectionneur Paul Guillaume, qui organise une exposition de ses oeuvres au Vieux-Colombier, - et c'est à Paris que naissent certains des chefs-d'oeuvre du peintre,  comme {La Matinée angoissante }en 1912 (le tableau a appartenu à Paul Guillaume) et {L'Ennemie du poète} en 1914. La Peinture métaphysique de De Chirico vise à révéler l'aspect caché des choses, " quand elles sont surprises dans leur solitude mystérieuse et leur dépaysement ". Après leur retour en Italie en 1916 à cause de la guerre, De Chirico et Savinio développent -  avec Carrà, Filippo de Pisis (1896-1956) et le jeune Giorgio Morandi (1890-1964) - la poétique métaphysique, que chacun va interpréter dans un langage  personnel.

 

La mesure classique : le Réalisme magique et le mouvement {Novecento

De la Peinture métaphysique au Réalisme magique, le passage se fait aisément, même si la mélancolie tragique des oeuvres de De Chirico se tempère beaucoup dans l'atmosphère enchantée de celles de Felice Casorati (1883-1963), d'Antonio Donghi (1897-1963), de Severini ou de Cagnaccio di San Pietro (1897-1946). Si Carrà annonce, avec une oeuvre étonnante, {La Fille de Loth} (1919), la redécouverte des valeurs de la peinture primitive italienne, celle de Giotto et de Paolo Uccello en particulier, il avait été précédé dans cette voie, dès 1916, par un tableau de Severini, {Maternité, }qui marque le premier retour à l'ordre classique dans la peinture européenne.

 Les années qui suivent voient en Italie de nombreux témoignages de tels " retours à l'ordre ", certains d'entre eux fondés sur des valeurs d'authenticité - et c'est le cas du Réalisme magique et de la redécouverte de l'archaïsme étrusque chez Massimo Campigli (1895-1971) - quand d'autres, au contraire, plus ambigus, comme le mouvement {Novecento} (défendu par la critique Margherita Sarfatti dans les années 20), d'abord vraiment attachés à la refondation d'une mesure classique conforme à une sensibilité largement répandue en Europe à cette époque, en viennent à défendre, dans les années 30, les " valeurs éternelles " imposées par le régime politique, qu'il s'agisse de la représentation de l'identité nationale, de la défense de la famille ou de la recherche des origines et de l'exaltation de la Rome antique.

Quelques artistes surent toutefois éviter le péril de la {damnatio memoriae }: il faut citer ainsi l'expressionnisme tragique et monumental des grandes compositions murales de Mario Sironi (1885-1961) et la puissance plastique de sculptures d'Arturo Martini (1889-1947) comme {Nu qui nage sous l'eau}, l'un des chefs-d'oeuvre de la statuaire italienne de l'entre-deux-guerres, étrangement exposé pour la dernière fois à Paris en 1950, il y a 56 ans.

 

Portrait de l'artiste solitaire : hommage à Giorgio Morandi

L'exposition rend un hommage particulier à Morandi en regroupant dix de ses natures mortes. Si le peintre s'est d'abord inspiré des recherches de De Chirico, il donne bientôt une interprétation très personnelle de la  " suspension " formelle héritée de la {Metafisica}. Artiste indépendant, qui s'est tenu à l'écart de la vie artistique pendant toute l'ère fasciste, il s'attache presque exclusivement à la représentation d'humbles objets de la vie quotidienne, des vases, bouteilles, coupes et boîtes rendus monumentales par la remarquable économie des moyens utilisés, qu'il s'agisse des couleurs ou de la composition. La critique les a même considérés comme de véritables autoportraits. Malgré son isolement, Morandi reste proche des aspirations de l'art européen de son temps, sans jamais céder aux courants  de l'" italianité ".

 

Table rase

L'exposition s'achève, ou plutôt prolonge le regard sur l'art des premières années 50, sur une petite section intitulée {Table Rase}, qui met en évidence la rupture réalisée par plusieurs artistes italiens de l'immédiat après-guerre,  Lucio Fontana (1899-1968), Alberto Burri (1915-1995) et Piero Manzoni (1933-1963), et annonce ce qui sera une nouvelle grande période de l'art de la péninsule.