La Faïence européenne au XVIIe siècle

Le triomphe de Delft

Du 20 novembre 2003 Au 16 février 2004
Musée de Céramique de Sèvres
Description


La faïence est une technique céramique qui a été
inventée par les Arabes, sans doute à Bagdad au VIIIe
ou au IXe siècle et qui a été introduite en
Europe au rythme de leurs conquêtes. Au XVe siècle,
elle triomphe en Espagne grâce à ses rutilants décors
lustrés ; au XVIe siècle elle découvre
en Italie les joies de la figuration : la gravure était née
et elle en reproduisait les motifs. Deux courants se marient alors :
il y a l’Italie, qui reste la base de tout puisque c’est elle qui
a imposé la faïence ; et il y a la Chine, qui fascine avec
sa porcelaine à décor bleu. Delft synthétise magistralement
ces deux courants.

Ce raccourci ne saurait toutefois faire oublier la résistance opposée
à cette évolution générale par de nombreux centres
européens qui, tout en la suivant, surent conserver à leurs
productions des traits parfaitement originaux.

Au commencement fut donc l’Italie, avec son génie des décors
a istoriati, reproductions très soignées et polychromes
de gravures illustrant des scènes mythologiques ou bibliques, ou a
compendiario,
reproductions rapidement esquissées en bleu et jaune,
mettant bien en valeur le fond blanc de la faïence. Toute l’Europe,
au début du XVIIe siècle, adopta ces deux genres,
de l’Espagne qui, en bleu et rouge, dota le style a compendiario
d’une vigueur peu commune, à la Hollande qui en donna sa version
nordique.

Quant à l’Italie, elle commença très tôt
à changer de manière, en particulier en Ligurie où les
faïenceries de Gênes, Savone et Albissola adoptèrent, dès
le début du siècle, le camaïeu bleu et des motifs naturalistes,
montrant de joyeux semis de lapins ou d’oiseaux dans des feuillages,
ce qui constituait une véritable révolution. L’introduction
de la nature dans un art qui avait connu les motifs ornementaux en terre islamique,
les motifs figuratifs en terre chrétienne, et qui découvrait
les fleurs sous l’influence conjointe de l’Est du monde, de la Chine
à la Turquie en passant par la Perse, était aussi un fait nouveau.
Aujourd’hui, nous avons du mal à croire que les fleurs n’ont
pas toujours été représentées sur la céramique
et pourtant ce fut, en Europe, une conquête du XVIIe siècle.

La seconde partie du siècle a vu le triomphe de Delft, dont les faïences
au bleu inégalé offrent à côté d’admirables
copies des ouvrages de la Chine, de merveilleuses plaques murales ornées
de scènes de genre, de paysages ou de marines, et de grands plats bibliques,
un genre delftois totalement méconnu. Ces admirables chefs-d’œuvre
présentent aussi l’intérêt d’être souvent
datés et de servir ainsi de repères chronologiques pour le reste
de la production européenne.

Cette exposition permettra au public français, qui aime la faïence
de Delft, d’en voir les plus grands chefs-d’œuvre, tels les
vases de Hoppensteim conservés au musée de la Chartreuse de
Douai. Il appréciera aussi les scènes mythologiques des plats
de Castelli, les étranges créations de Pavie, si légères,
si mystérieuses, avec leurs vagabonds et leurs paysages de ruines,
ou encore ce plat espagnol représentant une corrida. La France tient
bien son rang, c’est l’époque du triomphe de la fantaisie
nivernaise et de la naissance des faïences de Marseille et de Moustiers
qui, en camaïeu bleu, maintiennent haut et clair le goût de l’istoriato.