Découvre les débuts de la photographie !
Le sais-tu ?
Au début, les photos n’étaient pas vraiment en noir et blanc. Elles étaient brunes, violettes, bleutées... il a fallu du temps et beaucoup d’expériences chimiques pour obtenir de jolis noirs et blancs intenses.
Capturer la lumière, ou l’absence de lumière, ce n’est pas une chose facile !Dans cette histoire de la photographie, nous t’expliquons toutes les étapes de sa création.
Une fois le procédé technique maîtrisé, la photographie devient plus précise et rapide. Alors, des styles artistiques apparaissent. Des photographes cherchent à faire de la photographie un art à part entière, en développant leur technique et en mettent au point de nouveaux motifs. Ainsi, ils créent des modèles utilisés pendant tout le 20e siècle et aujourd’hui encore avec les outils du numérique.
Mais à ton avis, comment cela fonctionne-t-il ?
Connais-tu Nicéphore Niépce(1765-1833) ? C’est l’inventeur du premier procédé photographique, au début du 19e siècle, en 1827 exactement.
Voici la technique mise au point par Nicéphore :
- Pour commencer, il fabrique une boite, qu’on appelle une chambre obscure.
- Il recouvre une plaque d’étain de bitume de Judée. C’est une sorte de goudron qui durcit à la lumière. On dit qu’il est photosensible.
- Dans le noir, il installe la plaque au fond de la chambre obscure.
- Il attend plusieurs jours avant que la plaque recouverte de ce bitume enregistre l’image (les parties recevant le plus de lumière durcissent) !
- Puis, il place la plaque de métal dans de l’essence de lavande. C’est un liquide qui dissout une partie du bitume, c’est-à-dire les parties les moins dures.
- L’image apparaît alors en négatif sur la plaque en étain : les parties les plus exposées à la lumière sont noires et les parties les moins exposées à la lumière sont blanches, à l’inverse de l’image réelle.
Nicéphore appelle l’image apparue sur la plaque d’étain un « point de vue » (le mot photographie n’existe pas encore) et la technique une héliographie (hélio=soleil).
Comme on surnomme sa maison Le Gras, la photo ci-dessus se nomme Point de vue du Gras. C’est la première photographie connue.
Quelques temps plus tard, il rencontre un certain Daguerre(1765-1833) qui va l’aider à améliorer le procédé.
Légendes des œuvres représentées:
Léonard François Berger (v.1800-1872),
Portrait posthume de Niépce, 1854,
huile sur toile,
Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône.
Cliché pris par Daderot, domaine public
Nicéphore Niépce (1765-1833),
Vue de la fenêtre depuis la propriété du Gras à Saint-Loup-de-Varennes, 1827,
héliographie au bitume positive-négative, non gravée, 16,2 cm x 20,2 cm,
Harry Ransom Humanities Research Center, Austin.
Version améliorée par Helmut Gersheim
Domaine public
Daguerre ne laisse pas tomber. Il continue d’améliorer l’invention :
- Cette fois, il choisit une plaque de cuivre, recouverte d’une couche d’argent.
- Dans le noir, il expose la plaque à des vapeurs chimiques d’iode pour la rendre photosensible. Il l’a met ensuite dans la chambre obscure.
- Une fois exposée à la lumière pendant environ 15 minutes, la plaque enregistre l’image, encore invisible à l’œil.
- Pour que celle-ci apparaisse, il faut exposer la plaque à d’autres vapeurs chimiques : du mercure chauffé.
Ces manipulations étaient très toxiques !
La photo ci-dessus, faite par Daguerre, est une des plus anciennes que l'on possède. Cela te donne une idée de la précision des photos ! Elles sont de bonne qualité mais par contre, elles sont toujours fragiles.
Légende de l'œuvre représentée:
Louis-Jacques-Mandé Daguerre (1787-1851),
Portrait d'homme jeune, à mi-genoux, assis, la main droite tenant un livre, 1840-1845,
daguerréotype, 7,2 cm x 5,8 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
Photo © BnF, Dist. RMN-Grand Palais / image BnF
Pour Daguerre, et le daguerréotype, c’est le début de la célébrité ! Désormais, d’autres ateliers peuvent utiliser et améliorer le procédé et vendre des photos.
Le temps de pose passe d’1 à 2 minutes en 1840, et à quelques secondes en 1841.
Il est désormais possible de se faire portraiturer, ou plutôt daguerréotyper !
Et oui ! Les selfies n’existent pas encore, les gens du 19e siècle doivent se déplacer et payer pour obtenir une photo d’eux-mêmes.
Sur la gravure ci-dessus, le graveur Théodore Maurisset se moque de la foule qui se passionne pour ce nouveau médium.
Amuse-toi à trouver tous les vendeurs de daguerréotypes en lançant le jeu que nous te proposons, en cliquant ici !
Légende de l'œuvre représentée:
Théodore Maurisset (1803-1860),
La Daguerréotypomanie, 1840,
© Bibliothèque nationale de France
Comment ça marche ?
- Il faut toujours une chambre obscure.
- Talbot n’utilise pas une plaque en métal mais du papier ! En effet, il a réussi à rendre du papier photosensible par plusieurs manipulations chimiques.
- Le papier est placé au fond de chambre obscure puis exposé à la lumière.
- Une fois révélée, l’image est négative. Les parties éclairées sont noires et les parties sombres sont blanches.
Ce qui change : à partir de cette image, on peut en produire pleins d‘autres en positif ! Il suffit de maintenir un autre papier contre la photo négative et de les exposer à la lumière. Ainsi, la deuxième feuille reçoit l’image positive. On appelle cela un "tirage contact".
Ci-dessus, tu vois deux images d’un même arbre. Observe-les, laquelle est négative et laquelle est positive ?
Légende de l'œuvre représentée :
William Henry Fox Talbot (1800-1877),
Un chêne en hiver, 1842-1843,
calotype négatif et papier imprimé,
British Library, Londres.
Ensuite le procédé est toujours le même :
- Dans le noir, la plaque en verre préparée est mise dans l’appareil;
- On l’expose à la lumière;
- L’image est enregistrée sur cette plaque, mais est invisible à l’œil. Il faut la révéler et la fixer avec un produit chimique;
- Sur le verre, on a l’image négative.
- Puis, comme dans le procédé de William Talbot, on y place le papier, et, par contact et exposition à la lumière, on peut produire de nombreuses images positives très précises.
Les prises de vue sont beaucoup plus rapides qu’avec les daguerréotypes ! On ne peut toujours pas photographier quelque chose en mouvement mais pour photographier une personne, c’est beaucoup mieux. Comme l’image est de meilleure qualité, certains commencent à parler d’œuvres d’art.
Légende de l'œuvre représentée :
Henry Robert Sherborn (1846-1899),
Frederick Archer, 1880-1886,
tirage sur papier au bromure d'argent, 16,5 cm x 12,2 cm,
National Portrait Gallery, Londres.
Gustave Le Gray (1820-1884) s’inspire de peintres de son époque comme Gustave Courbet et Édouard Manet. Observe la photo ci-dessus et la peinture qui suit : tu ne trouves pas qu’elles se ressemblent ?
La photographie n’est pas encore complètement en noir et blanc mais en teintes brunes, du marron au violet foncé. Il faut attendre encore un peu avant d’avoir des noirs très noirs et des blancs très blancs. Pourtant déjà, Le Gray joue avec le contraste, c’est-à-dire qu’il juxtapose des zones très sombres et des zones très claires, pour donner de la profondeur à l’image, comme en peinture.
Gustave Le Gray donne également des cours de photographie. Parmi ces élèves, il y a Adrien, frère du célèbre Nadar…
Légende des œuvres représentées :
Gustave Le Gray (1820-1884),
La Grande Vague, Sète, 1857,
photographie, tirage papier d’après négatif sur plaque de verre au collodion, 35,7 cm x 41,9 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
Photo © BnF, Dist. RMN-Grand Palais / image BnF
Gustave Courbet (1819-1877),
La Mer, 1873,
huile sur toile, 50,8 cm x 61 cm,
Metropolitain Museum of Art, New York.
Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA
Regarde la photo ci-dessus, c’est le plus petit de ses ateliers.
Il y a une grande verrière pour avoir la quantité de lumière indispensable ! Contre les vitres, Nadar place des stores pour filtrer les rayons du soleil. À gauche, là où pose le modèle, il installe des panneaux pour orienter la lumière comme il le souhaite. À droite, tu peux voir des grandes lampes : Nadar utilise aussi des lumières artificielles. Il réussit aussi à prendre des photos la nuit !
Regarde la photo suivante, c’est le poète Charles Baudelaire (1821-1867), Félix Nadar prend en photo les femmes et les hommes célèbres de l’époque. Il obtient des portraits naturels car il discute avec son modèle pour le détendre.
Même si son ami Nadar réalise plusieurs portraits de Baudelaire, celui-ci n’aime pas du tout cette nouvelle technologie. Pour lui, la photo reproduit simplement la nature. Ce n’est pas de l’art. Pour Nadar, c’est tout le contraire, il défend le statut artistique de la photographie.
Légendes des œuvres représentées :
Nadar (1820-1910),
Atelier de Nadar au 51 rue d’Anjou à Paris, 1872,
photographie,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
Photo © Bibliothèque nationale de France
Nadar (1820-1910),
Baudelaire, 1869,
photographie, 22,3 cm x 16,2 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
Photo © Bibliothèque nationale de France
Observe la photo ci-dessus. C’est un portrait de sa nièce, Julia Jacksons. La photographe aime les plans rapprochés, comme si l’observateur était très proche du modèle. Le contraste entre tons sombres et tons clairs est marqué. De plus, elle fait exprès de flouter un peu les photos !
Le peintre symboliste George Frederick Watt (1817-1904), son ami et mentor pendant plus de 20 ans, est pour elle une référence.
Compare la photo de Julia au portrait suivant. Ce n’est pas la même jeune femme, et pourtant, avec son air pensif et ses cheveux longs détachés, il y a un air de ressemblance ! L’auteur de la peinture est justement George Frederick Watt.
On rattache aussi Cameron au mouvement préraphaëliste à cause du choix de ses sujets.
Légendes des œuvres représentées :
Margaret Julia Cameron(1815 –1879),
Julia Jackson, en buste, de trois quarts, à droite, 1867,
photographie sur papier albuminé, d’après négatif sur verre au collodion, 33 cm x 25,8 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
Photo © Bibliothèque nationale de France
George Frederic Watts (1817-1904),
Edith Villiers, later countess of Lytton, 1862,
huile sur toile, 77 cm x 44 cm,
Collection particulière.
Photo © Sotheby’s
On arrive à photographier le mouvement, puis à le filmer. C’est le début du cinéma ! En 1888, la marque Kodak sort sur le marché un appareil photo à 25 dollars. La grosse nouveauté, c’est que l’entreprise se charge du développement des tirages. Tout le monde peut désormais prendre des photos !
Les artistes photographes veulent se distinguer des photographes amateurs et documentaires. Ils ont la nostalgie du travail artisanal, du travail de la main. Ils appellent leur mouvement : le pictorialisme. Ils cherchent à s’éloigner du côté mécanique de la photo et veulent rivaliser avec la peinture.
Légende de l'œuvre représentée :
Eadweard Muybridge (1830-1904),
Saut d’obstacle, cheval noir, 1887,
chronophotographie, héliogravure, 25,5 cm x 30 cm,
Musée d’Orsay, Paris.
Photo © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Michèle Bellot
Sur la photo ci-dessus, Gertrude Käsebier (1852-1934) fait poser une de ses amies. Il ne s’agit pas d’un portrait mais d’une mise en scène. On ne voit pas son visage et il n’y a pas de bébé enveloppé dans le drapé. La photographe s’est inspirée des peintures chrétiennes représentant la Vierge à l’Enfant. Le flou accentue l’impression de peinture et rend la photographie plus intime.
Regarde la photo suivante !
Il s’agit d’une œuvre beaucoup plus récente. Comme Käsebier, le photographe Gerard Fieret (1924-2009) prend souvent des femmes en photo, mais de façon très différente. Ici, le personnage boit à la bouteille. L’auteur a pris une photo au fond très noir, avec une surexposition importante, impossible de discerner des détails !
Comme tu vois, le flou est un effet encore utilisé de nos jours en photographie, pour servir des buts artistiques divers.
Légendes des œuvres représentées :
Gertrude Käsebier (1852-1934),
La crèche, tirage 1903 d’après un négatif 1899,
héliogravure, 21,1 cm x 14,8 cm,
Musée d’Orsay, Paris.
Photo © Musée d'Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Gerard Petrus Fieret (1924-2009),
Portrait, date inconnue,
tirage argentique, 18 cm x 24 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
Photo © Droits réservés © Bibliothèque nationale de France
Regarde l’image ci-dessus, prise vers 1908. Elle pourrait être un dessin, tu ne trouves pas ?
La photographe Anne Brigman (1869-1950) a modifié son négatif, en grattant dessus. On voit bien les traces sur les bords du cercle. Elle a même signé sur le négatif ! Parfois, elle ajoute des éléments figuratifs pour compléter ses mises en scènes.
Maintenant regarde la photo suivante.
C’est le photographe contemporain Mario Giacomelli (1925-2000) qui la prend en 1968 dans un monastère. Ces jeunes hommes qui dansent sont des apprentis prêtres, apparemment très heureux qu’il ait neigé !
Giacomelli prend la photo en plongée, cela signifie qu’il est au dessus du sujet photographié. Il pousse les contrastes à l’extrême pour effacer les détails de l’environnement. Ainsi les figures semblent flotter dans le vide de façon fabuleuse.
Le photographe italien utilise des procédés similaires aux pictorialistes. Il apporte des modifications à ses négatifs, il redessine sur ses tirages. Au moment de prendre la photo, il joue aussi sur les effets techniques, en provoquant parfois des surexpositions comme ici.
Légendes des œuvres représentées :
Anne Brigman (1869-1950),
Kodak, v. 1908,
négatif d’une photographie gélatino-bromure, 18cm de diamètre,
Library of Congress, Washington.
Photo © Library of Congress
Mario Giacomelli (1925-2000),
Pretini, 1968,
tirage argentique, 29 cm x 39 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
© Mario Giacomelli
© Bibliothèque nationale de France
Observe la photo ci-dessus et la suivante. Il s’agit de deux photos prises de nuit mais très différentes !
La première se situe à New York. C’est la nuit, en hiver, le sol est enneigé. Les lumières vaporeuses de la ville définissent une ligne d’horizon.
Cette photo est d’Alfred Stieglitz (1864-1946). C’est un personnage très important pour l’histoire de la photographie. Il tient une galerie d’art à New York où il est très connu.
Au début, il fait partie des pictorialistes. Contrairement à Anne Brigman que l’on a vu juste avant, Stieglitz ne fait pas des mises en scène imaginaires. Il prend en photo la réalité. À partir de 1814, il changera de style et se consacre à la “photographie pure”.
La deuxième photo est prise à Lens, par un photographe contemporain, Gilbert Fastenaekens (né en 1955). Ce photographe travaille parfois en couleur. Ici, il fait le choix du noir et blanc. Le contraste est ainsi bien plus fort ! Le noir de la nuit est marqué et la lumière artificielle fait ressortir l’arbre au centre.
Tu remarques que l’intensité des valeurs est différente entre ces deux photographies. Elles ont été prises en 1903 pour la première et 1982 pour la deuxième. On voit bien le progrès technique du noir et blanc. D’ailleurs, la première est plus grise que noire et blanche !
Laquelle est ta préférée ?
Légendes des œuvres représentées :
Alfred Stieglitz (1864-1946),
Nuit glaciale, 1903, héliogravure, 13cm x 16 cm,
Musée d’Orsay, Paris.
Photo © Musée d'Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Gilbert Fastenaekens (né en 1955),
Lens, 1982,
épreuve gélatino-argentique, 35,2 cm x 42,3 cm,
Centre Pompidou, Paris.
Photo © Gilbert Fastenaekens © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI
Dans la photographie pure, les contrastes sont plus forts, les ombres forment de plus en plus des aplats noirs. La géométrie prend de l’importance. Comme les peintres modernes, les photographes mettent en scène des harmonies de formes. Il ne s’agit plus de faire de la peinture avec de la photographie comme les pictorialistes, cette fois la photographie est un art autonome !
Regarde la photographie ci-dessus. C’est encore Alfred Stieglitz qui prend en photo des arbres. Leurs lignes courbes donnent l’impression qu’ils bougent alors il nomme la photo “Arbres dansant”. Cette impression est accentuée par le plan rapproché. On est loin de la photo du parc à New York. Ici, plus du tout de profondeur !
Il s’agit d’un palladiotype. C’est-à-dire qu’à la place d’avoir une solution d’argent sur le papier (argent/argentique), c’est du sel de palladium (palladium/palladiotype).
Légende de l'œuvre représentée :
Alfred Stieglitz (1964-1946)
Arbres dansant, 1921-1922,
palladiotype, 24,2 cm x 19,3 cm,
Metropolitan Museum of Art, New York.
Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais
Imogen Cunningham (1883-1976), célèbre photographe américaine, s’intéresse, à ses débuts, au pictorialisme, comme Alfred Stieglitz. Mais, à partir des années 1920, elle change, elle aussi, sa manière de faire de la photographie. Les cadrages sont plus rapprochés et la profondeur de champs plus grande. Elle obtient un objet très détaillé vu de près.
Observe la photo ci-dessus.
Ces fleurs sont très nettes. Leurs détails nous permettent de ressentir les textures. On devine la douceur et la souplesse des pétales… N’as-tu pas envie de les toucher ?
Imogen Cunningham s’intéresse à la nature. Elle aime photographier les fleurs dans son jardin.
Légende de l'œuvre représentée :
Imogen Cunningham (1883-1976),
Deux callas, avant 1929,
épreuve gélatino-argentique, 50 cm x 39 cm,
Bibliothèque nationale de France.
Photo © The Imogen Cunningham Trust © Bibliothèque nationale de France
Comme Imogen Cunningham, Edward Weston (1886-1958) pratique la photographie pictorialiste à ses débuts puis change sa manière de faire après sa rencontre avec Alfred Stieglitz.
Weston prend en photo la nature, comme avec la photo ci-dessus. C’est un poivron (Pepper en anglais) vu de très près !
Weston travaille subtilement la lumière pour faire ressortir les formes tordues du légume. Ce poivron a un aspect sculptural. D’ailleurs, vu de si près et en noir et blanc, notre œil pourrait voir complètement autre chose… À quoi te fait-il penser ? Tu ne trouves pas qu’avec ses courbes et ses volumes, ce légume ressemble à quelqu’un vu de dos?
Passons à la photographie suivante.
C’est une œuvre de Paul Strand (1890-1976). Comme celles de Weston, ses photographies sont parfois abstraites. Ces artistes bousculent notre regard en variant les angles de vue et les conditions d’exposition.
Sur cette photographie, la lumière est le principal sujet. La table et le mur disparaissent au profit des motifs géométriques formés par les ombres et les lumières.
Légendes des œuvres représentées :
Edward Weston (1886-1958)
Pepper, 1930,
épreuve gélatino-argentique, 22,5 cm x 50 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris
Photo : © Center for Creative Photography, The University of Arizona Foundation / Adagp 2020 © Bibliothèque nationale de France
Strand Paul,
Photographie – Abstraction, 1917,
technique inconnue, 23,7 cm x 16,6 cm,
Musée d’Orsay, Paris.
Photo © Aperture Foundation, P. Strand Archive © Bibliothèque nationale de Franc
L’esprit dada prône la contradiction, le non-sens, le paradoxe. Les artistes utilisent l’humour et les jeux de mots et n’hésitent pas à détourner les icônes. Tout est bon pour choquer l’opinion bourgeoise et conservatrice.
Observe la photographie ci-dessus.
C’est une œuvre de Morton Schamberg (1881-1918) et Elsa Von Freytag-Loringhoven (1874-1927). Avec cet assemblage, ils détournent la figure divine avec humour et provocation. En effet, “Dieu” c’est le nom donné à cette photographie ci-dessus.
Qu’est-ce qui est photographié ? Un siphon de lavabo !
Les titres donnent souvent le sens à l’œuvre. Cela pousse à regarder ce tuyau d’une autre manière, comme une chose vivante, munie d’un gros œil, à l’apparence extra-terrestre. En plaçant ce simple tuyau sur un piédestal, au centre d’une photo en noir et blanc, il devient dès lors une œuvre d’art. En lui donnant ce titre, il acquiert même le statut d’une icône religieuse !
Les auteurs s’inscrivent volontairement dans une démarche transgressive. C’est une image absurde et pleine d’humour, bref… une image dada !
Légende de l'œuvre représentée :
Morton Livingston Schamberg (1881-1918) et Elsa von Freytag-Loringhoven (1874-1927),
Dieu, 1917,
épreuve gélatino-bromure, 24,1 cm x 19,2 cm,
Metropolitan Museum of Art, New York.
Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA
Proches des surréalistes, des photographes comme Man Ray (1890-1976) et Lee Miller (1907-1977) utilisent le photogramme ou la solarisation.
- Pour faire un photogramme, pas besoin d’appareil photo ! On place un objet sur le papier photosensible, et on l’expose à la lumière. Les parties non exposées, cachées par l’objet, restent blanches, tandis que le reste du papier noircit.
- Pour la solarisation, on commence par prendre une photo normalement. Au moment du développement, le papier est exposé à la lumière pendant 1 à 2 secondes. Cela a pour effet d’inverser les noirs et blancs.
Plusieurs autres artistes surréalistes pratiquent le photomontage ou encore le brûlage afin d’obtenir des images étranges ou fantastiques.
Observe les trois images ci-dessus : saurais-tu dire s’il s’agit de photogramme, de solarisation, de photomontage ou de collage ?
Légendes des œuvres représentées :
Benjamin Fondane (1898-1944),
Album de photographies : planche 29, 1930-1938, épreuves gélatino-argentiques, 15 cm x 19, 5 cm,
Centre Pompidou, Paris.
Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat
László Moholy-Nagy (1895-1946),
Sans titre, entre 1925 et 1926, photogramme sur papier argentique, 23 cm x 17,2 cm,
Centre Pompidou, Paris.
Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Adam Rzepka
Man Ray (1890-1976),
Lys, 1930
épreuve gélatino-argentique, 28,6 cm x 23 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
Photo © Man Ray 2015 Trust / Adagp, Paris [2020] © Bibliothèque nationale de France
László Moholy-Nagy (1895-1946) est un artiste qui touche à tout, à la peinture et à la photographie. Avec son appareil, il capture des visions inaccessibles à l’œil. Il fait des portraits très rapprochés. Il photographie en contre-plongée des personnes en hauteur… Par exemple, pour la photo ci-dessus, il utilise un point de vue en plongée afin d’accentuer l’effet vertigineux.
Tu imagines le nombre de marches pour grimper jusque là-haut ?
Tout au long du 20e siècle, jusqu’à aujourd’hui, le cadrage reste une chose très importante en photographie. Il donne souvent tout son sens à l’image.
Observe la photo suivante. À ton avis, quel est le sujet ?
C’est une photographie de Patrick Tosani (né en 1954) extraite de sa série intitulée « Planètes ». On pourrait croire qu’il s’agit d’une photographie spatiale. En réalité, l’auteur joue sur l’ambiguïté des échelles. Il a mis en scène de fausses planètes, en plâtre ou en argile. Ce sont des photographies en couleur d’objets blancs sur un fond obscur. Le contraste entre ombre et lumière est fort, et le point de vue participe à nous tromper sur la nature des objets photographiés.
Chez toi tu peux aussi essayer de prendre des photos selon différents points de vue. En noir et blanc évidemment !
Légendes des œuvres représentées :
László Moholy-Nagy (1895-1946),
Tour de la radio à Berlin, 1928, épreuve gélatino-argentique, 36 cm x 25,5 cm,
The Art Institute of Chicago, Chicago.
Photo © Art Institute of Chicago, Dist. RMN-Grand Palais / image The Art Institute of Chicago
Patrick Tosani (né en 1954),
Photo Sans Titre de la série « Planète » 2015,
photographie couleur, 141 x 111 cm,
Photo © Bibliothèque nationale de France © Adagp, Paris, [2020]
Des artistes comme les surréalistes s’intéressent aux manifestations de l’inconscient. Ils cherchent à reproduire dans le réel les mécanismes du rêve. Dans leur entourage, le photographe Man Ray (1890-1976), utilise les nouveaux moyens techniques comme le photogramme et la solarisation pour créer des images qui s’éloignent de la réalité.
Ses procédés modernes intéressent des entreprises comme la CPDE, la Compagnie parisienne de distribution d’électricité. Celle-ci commande à Man Ray un album de photogravures en 1931, pour illustrer l’utilisation domestique de l’électricité. Et oui ! Se chauffer ou faire la cuisine avec de l’électricité, ce n’est pas courant à l’époque !
Le photographe réalise 10 photogrammes. Parmi eux, il y a « La Ville » que tu peux voir ci-dessus !
L’artiste a utilisé de la lumière électrique pour projeter l’ombre de différents objets sur du papier photosensible. Tu reconnais le monument au milieu ? C’est évidemment la Tour Eiffel, illuminée en 1925 pour célébrer la marque de voiture Citroën.
Légende de l'œuvre représentée :
Man Ray (1890-1976),
La Ville, 1931
photogramme, 39 cm x 29 cm, publié en 1931 dans l’album « Électricité », n°17,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
Photo © Bibliothèque nationale de France © Man Ray 2015 Trust / Adagp, Paris [2020]
L’anglais Adolf de Gayne de Meyer (1868-1946) est un photographe pictorialiste, proche d’Alfred Stieglitz (et oui, encore lui !). Aux États-Unis, il réalise des portraits de personnalités mondaines et commence à travailler pour des magazines de mode comme Vogue et Vanity Fair.
Ci-dessus, tu peux voir un portrait de la styliste française Coco Chanel (1883-1971), réalisé par De Meyer. Elle fait partie des grandes figures qui font évoluer la mode féminine autour des années 1925-1930.
Elle arbore des cheveux courts, prône des vêtements sobres et confortables. Les habits épurés sont agrémentés de bijoux, de perles, comme tu peux le voir sur cette photo. Chanel raccourcie (un peu) les jupes des femmes. Elle porte des tailleurs et parfois même des pantalons !
Parmi les amis de Coco Chanel, il y a le célèbre Cecil Beaton (1904-1980). C’est un artiste anglais reconnu pour son travail dans la photographie de mode. Il réalise quelques photographies en couleur mais l’essentiel de son œuvre est en noir et blanc.
Regarde les deux photographies suivantes.
Sur la première, le modèle pose avec une robe de la marque Balenciaga. Le contraste est très fort. Le peu de détails font de cette silhouette une simple figure géométrique noire qui ressort sur ce fond blanc presque uni. Seule l’ombre portée au sol permet de situer le modèle dans l’espace.
Beaton est aussi le portraitiste des plus grandes stars du 20e siècle !
La photographie suivante met en scène l’acteur David Werner avec une cigarette. Dans les années 1960, on n'avait beaucoup moins conscience que c'était très mauvais pour la santé ! En comparaison avec la photo de la robe, le contraste est ici inversé. C’est la silhouette blanche qui ressort sur un fond noir profond.
Légende de l'œuvre représentée :
Adolf de Gayne de Meyer (1868-1946),
Coco Chanel, Date inconnue,
épreuve gélatino-argentique, 22,1 cm x 18,7 cm,
Metropolitan Museum of Art, New York.
Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA
Cecil Beaton (1904-1980),
Robe balenciaga, 1967,
épreuve gélatino-argentique, 27,7 cm x 23,5 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
Photo © Bibliothèque nationale de France
Cecil Beaton (1904-1980),
L’acteur David Warner”, vers 1960,
tirage argentique, 39 cm x 39 cm,
Bibliothèque nationale de France, Paris.
L’être humain et la rue s’installent dans l’objectif des photographes. On trouve des photos pleines d’insouciance, montrant la vie quotidienne ou la modernité mais aussi des photos plus engagées, exposant les injustices sociales.
Certains photographes comme Gerda Taro (1910-1937) et son compagnon Robert Capa (1913-1954) vont même jusqu’à réaliser des reportages de guerre. En effet, en Espagne c’est alors la guerre civile (1936-1939).
La photo ci-dessus est prise par Gerda Taro en 1936. Ce sont des miliciennes républicaines mobilisées contre le fascisme d’extrême droite. Elle semble former un mur de résistance soudé. Taro prend la photo en biais pour créer des lignes de force. Les silhouettes coupent la photo au format presque carré en diagonale. La photographie semble ainsi composée de deux triangles, noir et blanc, juxtaposés.
Passons à la photo suivante.
C’est un jeune garçon portant un masque d’ouvrier. Il est pris furtivement en photo par la photographe bahianaise Lita Cerqueira (née en 1952). Le portrait est fort car le modèle semble nous regarder droit dans les yeux.
À la manière des photographes humanistes d’Europe, Cerqueira capture avec son appareil la culture et la vie quotidienne de la communauté noire au Brésil.
Légendes des œuvres représentées :
Gerda Taro (1910-1937),
Miliciennes républicaines s’entraînant à la plage, à l’extérieur de Barcelone, 1936,
épreuve gélatino-argentique, 18,4 cm x 17,8 cm,
Centre international de la photographie, New York
Photo © Centre international de la photographie.
Lita Cerqueira (née en 1952),
Portrait de jeune homme au masque de chantier,
technique et dimensions inconnues,
Bibliothèque nationale de France, Paris
Photo © Bibliothèque nationale de France
La photographie ci-dessus est une des toutes premières en couleur. À ton avis de quand date-t-elle ? (La réponse est juste en bas.)
C’est Louis Ducos de Hauron qui en est l’auteur. Il invente le premier procédé photographique en couleur en 1869. Mais ce n’est pas complètement au point, les photos sont très fragiles.
Il faut attendre 1907 quand les Frères Lumières améliorent le procédé. Les photographes qui pratiquent la couleur restent rares, car la plaque de verre qui accueille l’image négative coûte dix fois plus cher qu’une pellicule noir et blanc !
La photo suivante fait partie de la collection d’Albert Khan : « Les archives de la planète », la plus célèbre production de photographie en couleur du début du 20e siècle.
En 1935, la marque Kodak sort le premier appareil photographique avec une pellicule couleur. Pour certains, c’est la mort de la photographie en noir et blanc. Mais en réalité, pas du tout !
Nous venons de le voir ensemble, la plupart des photographes continue à pratiquer la photographie en noir et blanc. Pour beaucoup, cela rend la photo plus puissante, poétique, symbolique, onirique, intemporelle… Pendant longtemps, la photographie couleur reste donc l’apanage de la publicité. Et ce, jusque dans les années 1970 !
Légendes des œuvres représentées :
Louis Ducos du Hauron (1837-1920),
Nature morte au coq, 1879
Heliochrome, 20,2 cm x 22,7 cm
George Eastman Museum, Rochester.
Georges Chevalier (1882-1967),
Madame Henriot Colin, 1915,
Autochrome,
Musées Albert Kahn, Boulogne-Billancourt
Domaine public
Joue au puzzle en Noir et Blanc !
Jeune Public - 24 novembre 2020DAGUERRÉOTYPE EN FOLIE
Jeune Public - 10 novembre 2020Les photographes sont partout !
Un peu trop nombreux sur cette estampe de Théodore Maurisset, c'est pour mieux souligner l'importance du phénomène et le caricaturer.