Amorpha : l'oeuvre qui fait basculer Kupka dans l'abstraction

29 mai 2018
En 1912, Kupka franchit le pas vers l'art abstrait au Salon d'automne avec des oeuvres non figuratives !

Dès 1905, dans une lettre à son ami le poète satirique Josef Svatopluk Machar, Kupka affirme ne plus vouloir peindre que des concepts, des synthèses, des accords... Lancé dans plusieurs expériences comme la décomposition des volumes ou du mouvement par la couleur (lire cet article), Kupka arrive au constat de l’absurdité et de la malhonnêteté de l’art qui emprunte à la Nature. Selon lui, en rester là ne peut conduire l’artiste qu’à des écueils : trahir la Nature ou trahir sa vision.

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Disques de Newton, 1912, Philadelphia Museum of Art

© Adagp, Paris 2018

© Philadelphia Museum of Art

Le peintre décide alors de rompre avec la tradition mimétique et de créer à partir des seuls moyens de la peinture une autre réalité, purement picturale. Il consomme cette rupture en peignant des œuvres révolutionnaires comme Le premier pas, les Disques de Newton (ci-contre) et, bien sûr, Amorpha, fugue à deux couleurs et Amorpha, chromatique chaude, exposées au Salon d’automne de 1912. Le public parisien découvre pour la première fois des œuvres totalement non-figuratives. 

 

 

 

 

Zoom sur Amorpha, fugues à deux couleurs 

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Amorpha, fugue à deux couleurs, 1912, National Gallery de Prague © Adagp, Paris 2018 © National Gallery in Prague 2018

Cette toile non figurative est exposée pour la première fois au Salon d’automne en novembre 1912. Elle marque le rôle déterminant de Kupka dans la naissance de la peinture abstraite. Kupka utilise deux couleurs seulement : rouge et bleu, associées à du blanc et du noir. Il les arrange entre elles, posées par plans simplifiés, pour obtenir rythme et résonance. Sans aucun recours à la représentation de la nature et du monde réel, il suggère une dynamique capable de captiver, par ses effets plastiques et esthétiques, les sens du spectateur.

En fait, de nombreuses études jalonnent l’élaboration de cette oeuvre. En 1908, le peintre réalise une composition à l’huile, dans une vision naturiste, représentant une fillette jouant au ballon (à retrouver au Grand Palais dans l'exposition!). Suivront de nombreuses interprétations au crayon de couleur du geste de cette enfant. Peu à peu, l’artiste décompose le mouvement en multiples courbes lancées au travers de la feuille. Le sujet disparaît pour retenir l’énergie et la vitalité du corps. Des gouaches, assez proches de la composition finale, retracent les essais du peintre qui établit une correspondance entre rythme et couleur et renonce à toute perspective. À ce titre, le terme de fugue, inspiré par Jean-Sébastien Bach (1685-1750), utilisé par Kupka pour nommer le tableau, évoque l’univers sonore et musical associé désormais à sa création picturale. Pour lui, la perception de celui qui regarde sa toile est importante, chacun est engagé à s’immerger et à s’émouvoir.

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