Depardon, le charme discret de la photographie

23 janvier 2014
Banale, anonyme, ordinaire… Faussement dépréciatifs, les adjectifs qualifiant l’œuvre de Raymond Depardon évoquent en filigranes son goût de la simplicité

« Je suis venu, calme orphelin/ Riche de mes seuls yeux tranquilles ». Dans son recueil Sagesse, Paul Verlaine évoque la légende du jeune Kaspar Hauser, « orphelin de l’Europe » et fils présumé de la princesse Stéphanie de Beauharnais. A ces mots, c’est une autre légende qui nous vient en tête. Depardon, la force tranquille, un oxymore à lui tout seul. C’est que la portée de ses images est inversement proportionnelle à l’agitation qu’il y règne. Rien, ou plutôt pas grand chose : une table et quatre chaises en formica rouge, baignées de la lumière fauve d’un rade bolivien. Un non-événement. « Sur la route avant la Paz », nous dit le titre.
Raymond Depardon, Sur la route avant La Paz, Bolivie , 2005 34 x 45 cm © Raymond Depardon / Magnum Photos







Minimalisme pour flagrant délit contemplatif. Un décor pour le moins dépouillé, trop, médiront certains. Pourtant, c’est bien dans le dénuement, l’absence d’artifice, que l’on peut juger, en vérité, d’une image. Comme une femme au matin, sans maquillage. « Un photographe japonais, Shoji Ueda, disait toujours : c’est le fond de la photo qui est le plus important, avant les personnages, avant que les personnages soient devant, au premier plan, ou peu importe. L’important, c’est le décor ».

Le fond plutôt que la forme, en somme, une intention qui traverse tout l’œuvre de ce chasseur d’images, nourri au cinéma de Robert Bresson ou de John Huston. Avec eux, il partage une certaine économie de moyens, indissociable d’une sincère humilité face à son médium, loin de l’instant décisif cher à Cartier Bresson : « Je crois incroyablement à la nécessité de faire non pas un scoop mais une photo. Je crois à l’image. ». Et de renchérir : « Le monde n’est pas fait de beautés exceptionnelles ni de points de vues pittoresques. Il est tout simplement des lumières sur des entrées de villes, des campagnes sans histoire. »

A lire aussi

Ailleurs, ici, le goût des autres

Article - 6 février 2014
Éternel voyageur, Raymond Depardon est d’abord parti loin, pour revenir là où tout avait commencé, chez lui, en France. Une errance empreinte d’un même regard sur l’autre, quasi anthropologique.

Concours Lomo x Grand Palais : les gagnants

Article - 31 janvier 2014
A l'occasion de l'exposition "Un moment si doux" de Raymond Depardon, nous vous avons proposé de nous raconter votre premier souvenir photographique en photo ou en texte. Nous avons récolté plus de 250 témoignages dont deux nous ont séduit.

Tout le magazine