Velázquez : peintre de l'enfance
Velázquez : peintre de l'enfance
Combien de madones ont l'air de porter sur leurs genoux un petit mannequin inexpressif ? Velázquez est l'un des rares à avoir réussi à capter leur expression, de l'assurance innocente de Baltasar Carlos à la timidité mélancolique de Marguerite, les enfants de Philippe IV. Portraits royaux et, surtout, diplomatiques, devant servir à la conclusion de mariages dynastiques et politiques, ses représentations des infants sont avant tout des effigies très officielles, éléments déterminants de négociations d'importance entre les monarchies européennes. Des alliances conclues dépendent parfois l'avenir des royaumes et des familles régnantes.
Mais au-delà du rendu des lourds costumes d'apparat et de la justesse des traits des visages, les portraits de Velázquez nous touchent par leur capacité à suggérer la personnalité de ses jeunes modèles, à travers la légèreté d'une chevelure, une moue enfantine, un regard inquiet. Celui qu'il porte sur ces petits princes semble toujours empreint de délicatesse et de bienveillance pour ces héritiers, enfermés dans une cage dorée. Derrière leur pesant statut, ce sont d'abord des enfants que peint Velázquez, acteurs involontaires d'une Histoire qui leur échappe encore mais paraît déjà, imperceptiblement, les inquiéter. Comme si le face à face avec l'artiste était un moment d'intimité, de confiance, presque de confidence. Loin de tout sentimentalisme, il parvient à nous révéler, là encore, la vérité de ses modèles, entre insouciance et résignation.
Sylvie Blin