Les sculptures céramiques de Gauguin
De nombreuses "sculptures céramiques", terme inventé par l'artiste, sont présentes dans le parcours du Grand Palais.
Gauguin est fasciné par le grès, un matériau modeste transfiguré par l’opération de la cuisson qu’il assimile au feu de l’enfer. Cette image l’amène à créer des formes parfois inquiétantes et toujours polysémiques. Des techniques variées (décors modelés, incisés, aux oxydes métalliques, à l’engobe, glaçures diverses, rehauts dorés) développent ainsi des niveaux de lecture complexes. D’un profil à l’autre, l’objet prend vie, tantôt homme, tantôt monstre.
Le vase ci-dessus numérisé en 3D par l'agence photographique de la Rmn-GP représente simultanément une souche d’arbre et une face humaine, tandis qu’une branche sortant de l’arrière se termine par deux visages féminins. Cet objet montre que Gauguin concevait ses céramiques selon un processus biologique de croissance, conformément à son idée selon laquelle les artistes sont des « élus » de la nature oeuvrant à une « continuation de création ».
L’étude des céramiques en grès de Gauguin révèle un travail fondamentalement expérimental, dans les formes choisies comme dans le champ de la technique. Nombre d’entre elles présentent une forme creuse – vase, pot… – réalisée en plaçant une main à l’intérieur de l’objet pour éviter toute déformation et en ajoutant de l’autre des éléments décoratifs et des personnages sur l’extérieur. Cette méthode de travail expliquerait en partie l’ouverture irrégulière en forme de V pratiquée au revers d’Oviri, permettant à Gauguin d’atteindre le fond en passant sa main à l’intérieur. Souvent, les ajouts plastiques présentent des défauts d’application – fissures de cuisson sur leurs pourtours – et, pour le Pot anthropomorphe, certains ne semblent pas avoir tenu au moment de la cuisson, laissant ainsi visibles des zones d’arrachement en partie inférieure. Pourtant, ces défauts révélés à la sortie du four ne semblent pas avoir été rédhibitoires aux yeux de Gauguin.