Œuvres commentées de Fragonard : Alcine rejoint Roger dans sa chambre

Œuvres commentées de Fragonard : Alcine rejoint Roger dans sa chambre

11 January 2016
Pour vous faire découvrir un peu plus l'univers de l'exposition "Fragonard amoureux. Galant et libertin" plongez dans les tableaux du Divin Frago...


Alcine rejoint Roger dans sa chambre Pierre noire estompée, lavis brun, Vers 1780 © Collection particulière

Alcine rejoint Roger dans sa chambre





Les amants se sont donné rendez-vous pour la nuit suivante. Roger est conduit à sa chambre (VII, 22 ; Dupuy-Vachey, 2003, no 45), mais la belle se fait attendre. L’impatience de Roger ne fait que croître, quand enfin Alcine paraît :



… Il sauta hors du lit, il la prit dans ses bras,

sans avoir attendu qu’elle se dévêtit

encore qu’elle eut quitté jupon et crinoline

et vînt enveloppée dans une soie légère

qu’elle avait enfilée par-dessus sa chemise

qui était blanche et fine au suprême degré.

Quand Roger l’enlaça, elle dut lui laisser

son manteau et garda son voile clair et fin,

qui, derrière et devant, ne la couvrait pas plus

qu’un verre transparent les roses et les lys.


(VII, 27-28)



Cette mise en scène appelle inévitablement à l’esprit celle du Verrou dont elle est en quelque sorte l’exact opposé. Comme dans la toile du Louvre, le lit, motif cher à l’artiste, occupe  une place importante. Mais toute la tension dont est empreint le tableau est ici absente. Loin de résister, Alcine s’abandonne entièrement dans les bras de son amant qui l’accueille avec autant de passion que de douceur. Par la porte restée entrouverte, une légère brise s’est engouffrée, faisant palpiter les rideaux du lit et les voiles transparents dont est à peine vêtue l’enchanteresse.

Pudique, l’artiste ne pousse pas plus loin l’indiscrétion, laissant au seul poète le soin de décrire la suite dans son langage fleuri :



Le lierre n’étreint pas plus étroitement l’arbre,

autour duquel il a enroulé ses racines,

que l’un l’autre ne se serraient les deux amants

qui cueillaient sur leur lèvre une fleur de l’esprit,

plus douce que jamais n’en produit une graine

de l’Inde ou de Saba dans le sable odorant.

Du plaisir qu’ils prenaient, c’est à eux de parler,

car ils avaient souvent deux langues dans leur bouche.


(VII, 29)



M.A Dupuy-Vachey

 

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