Newton le fétichiste

Newton le fétichiste

8 June 2012

Par Dimitri Beck, Polkamagazine.com

Sans aucun doute, l’œuvre d’Helmut Newton est traversée par une forme de fétichisme. L’amoureux de la provoc’ et du « porno chic » qu’était le photographe ne s’est pas contenté de montrer frontalement la sexualité dans ses images. Il a également joué sur le registre de l’érotisme avec l’utilisation d’objets normalement dénués de signification charnelle. Chaussures, lunettes, cigarettes, minerve, corset, manteaux de fourrure, chaînes… au côté des porte-jarretelles et autres effets de lingerie. Chez Newton, on passe aisément de l’exhibitionnisme au sadomasochisme.

Helmut Newton a tiré son inspiration de ses souvenirs de jeunesse qu’il a passé à Berlin. En 1936, à l’âge de 16 ans, il est l’assistant de la photographe de mode Yva, de son vrai nom Else Neuländer-Simon, avec laquelle il apprend son futur métier. Newton participe à la réalisation de catalogues de sous-vêtements. Quand le studio ferme ses portes, il prend des photos de ses copines dans les habits et chapeaux de sa mère. Si le jeune apprenti était amoureux d’Yva, il a aussi le béguin pour la tireuse qui porte un monocle, « Ce qui produisit en moi une terrible excitation sexuelle », avoue-t-il dans son livre, Autoportrait *.

Newton a grandi dans un Berlin qui voit monter le nazisme et une Europe qui piétine. Le style garçonne s’impose chez les femmes depuis les Années folles. La mode androgyne de l’entre-deux-guerres permet les transgressions. Cette époque a nourri l’imaginaire du photographe. Plus tard, Newton décide de briser les tabous et les codes de la représentation de la femme. Sur ses images, objets et symboles ambigus et inattendus imposent une féminité hors-normes.

Lisa Lyon in Paris II, 1980 © Helmut Newton Estate

« Si je cherche la vérité d’un point de vue, je ne vais pas me conformer à ce que l’art accepte ou non. Les mouvements sado-maso, par exemple, me paraissent toujours très intéressants" confie-t-il lors d’une conférence de presse en Autriche en 1984. "J’ai en permanence dans le coffre de ma voiture des chaînes et des menottes, non pas pour moi mais pour mes photos. »

* Autoportrait d’Helmut Newton, paru en 2002 (2004 pour la traduction française aux éditions Robert Laffont).

A lire aussi : Série noire par Helmut Newton dans le dernier numéro de Polka Magazine en vente à la librairie du Grand Palais et en kiosques

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