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Des cartons originaux au tissage : la folle épopée des tapisseries contemporaines danoises

Une licière devant son métier à tisser
Apolline Piet & Lucie Creusot, 2025

Comment passe-t-on d’un dessin d’artiste à une tapisserie monumentale ? Découvrez les coulisses d’un projet hors norme, né au Danemark, tissé en France, et dévoilé au Grand Palais. Entre créativité contemporaine et savoir-faire pluriséculaire, seize œuvres racontent une histoire faite de gestes, de patience… et de fil.

Un projet entre passé royal et création contemporaine 

À l’origine de ce projet, un anniversaire : celui des 750 ans du château de Koldinghus, ancienne forteresse royale du Danemark. Pour célébrer l’événement, la Nouvelle Fondation Carlsberg lance en 2018 l’un des plus grands projets de décoration de l’histoire du Danemark : une commande de seize tapisseries pour habiller les salles historiques du château. 

Confiées et imaginées par les quatre artistes danois Kirstine Roepstorff, Tal R, Alexander Tovborg et Bjørn Nørgaard, ces œuvres ont été tissées dans les plus grands ateliers français, faisant ainsi dialoguer création contemporaine et savoir-faire ancestral. À travers elles, c’est le geste qui est mis en valeur, geste unique, pluriséculaire et fragile.

Licière en cours de tissage
Apolline Piet & Lucie Creusot, 2025

Du carton au fil : la naissance d’une tapisserie 

Le point de départ de chaque tapisserie, c’est un "carton" : une peinture ou dessin grandeur nature, réalisé par l’artiste lui-même. Ces œuvres préparatoires, exposées aux côtés des tapisseries finales, sont la première étape du dialogue entre l’artiste et l’artisan.

À partir de ces cartons, les artisans d’art français — liciers et licières des manufactures nationales des Gobelins et de Beauvais, ainsi que les ateliers privés d’Aubusson — prennent le relais. Leur mission ? Traduire l’intention de l’artiste en matière, en fil, en lumière. Et cela prend du temps : près d’un an pour tisser un mètre carré ! Pour les 3 grandes tapisseries exposées, le tissage a duré plus de quatre ans, mobilisant jusqu’à vingt licières, en alternance, sur des métiers à tisser.

Détail d'échantillons et de nuancier utilisé en tapisserie
Apolline Piet & Lucie Creusot, 2025

Des gestes ancestraux pour des œuvres d’aujourd’hui 

Avant de s'atteler au tissage, il faut sélectionner et essayer. Chaque couleur est choisie à partir d’une gamme de laines teintes, parfois retravaillée pour capter la bonne nuance, le bon éclat. Ce travail minutieux, appelé l’échantillonnage, se fait en lien étroit avec les artistes, qui valident les choix, discutent des textures, reviennent observer l’avancée du tissage. 

Ce dialogue donne naissance à une complicité précieuse. La licière est une traductrice sensible, attentive à chaque intention graphique. Elle fait parler le fil, lui donne du corps. La lumière d’un aplat, le rythme d’un motif, l’illusion d’une transparence… tout repose sur ce regard partagé. Et c’est cette alchimie, entre geste séculaire et regard contemporain, qui fait la singularité de ces tapisseries.

Détail de l'envers de la tapisserie "Hommes tombant de cheval" de Tal R
Apolline Piet & Lucie Creusot, 2025

Des mondes singuliers, un souffle commun 

Chaque artiste a imaginé un univers, inspiré de l'histoire du château : symbolique chez Tovborg, coloré et espiègle chez Tal R, baroque chez Nørgaard, onirique chez Roepstorff. Mais si les tapisseries danoises ne constituent pas une tenture, car créées par des artistes différents, elles représentent un ensemble vivant, porté par un même soin du détail et une même exigence de fabrication.

Un discret jeu de formes géométriques, tissé dans les bordures, crée un fil rouge entre les œuvres. Chaque pièce porte également le monogramme de sa manufacture : "MNB" pour Beauvais et un "G" traversé du dessin de la broche qui sert à tisser pour les Gobelins. Une manière d’inscrire ces créations dans une tradition tout en affirmant leur contemporanéité.

Vue de l'atelier, sur la mezzanine
Apolline Piet & Lucie Creusot, 2025

Dans les coulisses du tissage : un atelier à explorer 

Pour prolonger l’expérience, un espace dédié au processus de création dévoile les dessous du tissage : cartons originaux, laines échantillonnées, outils, essais tissés. Depuis la mezzanine, vous pourrez y voir, comprendre, manipuler… et même vous essayer au geste, grâce à de petits métiers à tisser à disposition. Chaque semaine, des démonstrations permettent de voir des licières à l’œuvre, révélant la minutie, la concentration et la beauté de leur geste.

Une exposition propice à la contemplation 

À une époque où les images et les informations défilent à un rythme effréné, captant sans cesse l’attention, ces tapisseries imposent un autre rythme. Celui du fil qui avance lentement, du regard qui s’attarde, du geste qui prend le temps. Elles incarnent à la fois l’héritage d’un artisanat d'excellence et la liberté de la création artistique contemporaine. Et elles rappellent, avec humilité, que les choses les plus précieuses demandent souvent du temps… et beaucoup de mains. 

Une invitation à la contemplation, à la réflexion et à une immersion dans des œuvres d’une grande sensorialité, à découvrir jusqu’au 17 août au Grand Palais.

L'art du tissage en images

Découvrez les gestes des licières à l’œuvre. Haute lice, basse lice, choix des laines : ces vidéos vous permettent d’approcher un artisanat d’exception, entre tradition et création contemporaine.

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