L'oeuvre ultime de Miró
Dans la dernière partie de sa vie, Miró multiplie les défis et fait preuve d’une grande pugnacité physique et mentale. L’humour, l’esprit de jeu et de provocation l’animent plus que jamais.
Miró joue sur tous les registres, repousse les limites de ce qu’il a découvert et déjà exploré, tout en s’aventurant sur de nouveaux chemins. À l’épure azurée ou blanche de ses grands triptyques, il oppose l’intrusion du feu qui vient détruire ses Toiles brûlées (ci-contre). Son élan créateur le pousse à affronter avec toujours plus de liberté la matière, l’espace de la toile et à imposer l’immense pouvoir de ses signes graphiques. Miró se livre sans retenue dans une peinture qui exige l’engagement du corps entier. Il trempe ses doigts dans la couleur, peint avec ses poings, marche sur sa toile.
Retrouvant une puissance toute primitive, Miró renouvelle l’enchantement et le choc des nombreuses découvertes qui ont prévalu à toutes les périodes de son oeuvre.
Contrairement aux peintures des années 1924-1927, où l’écriture manuscrite s’accordait à celles des courbes flottantes, les lettres qui composent le mot « SILENCE » ont été inscrites au pochoir. Semblables à celles que l’on trouve sur des caisses ou des sacs de jute, ces lettres mécaniques se meuvent dans la composition comme de nouveaux signes vivants et actifs autour d’une structure orthogonale.
Par la répétition de la lettre O à laquelle répondent des cercles pleins peints en noir et la répétition de la lettre E, la peinture est devenue un champ de résonance phonétique.
Contrairement à la peinture titrée mai 1968 dans laquelle Miró avait exprimé la violence de la révolte de la jeunesse, Silence, avec sa mise en page de pleins et de vides, de notations, de ponctuations colorées semble être une invitation à la méditation.